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La lettre de George, écrite à la gloire de Planche, resta donc dans les cartons de la Revue. À titre de document, voici cette lettre :

« Lettre de G. S. sur G. Pl.


« MADAME,

« On m’a reproché de n’avoir pas dit, dans l’Histoire de ma vie, la vérité tout entière, sur le compte des personnes dont j’ai parlé ; j’avais déclaré, dès les premiers jours, ne vouloir flétrir aucun caractère, quelles que fussent mes antipathies ou mes griefs personnels ; les amateurs de scandale étaient donc avertis et dispensés de me lire. J’ai trop bien tenu ma parole, au gré de certains esprits hostiles, qui m’en ont fait reproche avec amertume. Etrange tort que le mien ! Etrange mensonge que le silence du pardon ou de l’oubli ![1]

« Mais si j’ai dû agir comme je l’ai fait à certains égards, j’ai pu tout dire sur le compte de certaines personnes que je savais de force à entendre la vérité, et, du vivant même de M. Gustave Planche, j’ai publié tout ce que je savais, et tout ce que je pensais de lui. C’est que rien ne pouvait faire obstacle à ma franchise, et que mon jugement sur lui pouvait être complet, sans porter aucune atteinte à son talent et à sa vie.

« J’ai blâmé et regretté le ton, souvent rude et absolu, de sa critique, et ce blâme de ma part était lui-même du domaine de la critique ; mais j’ai rendu justice entière à sa bonne foi, à son désintéressement, à son courage.

« Il a poursuivi, avec une rare fermeté, la mission terrible, qu’il s’était imposée, de dire, à ses amis comme à ses ennemis, ce qu’il croyait être la vérité. Il en a souffert dans sa vie littéraire, et dans sa vie intime, qui était loin d’être si tendue que ses doctrines d’Esthétique, et s’il a continué de braver l’inimitié en public, il a eu d’autant plus de mérite à le faire, qu’il a souvent regretté en particulier d’avoir froissé les amours-propres.

« Il n’avait donc pas la haine des personnes, comme l’ont cru quelques-unes de celles qu’il avait blessées, loin de là ; je l’ai vu s’affecter beaucoup de leur chagrin ou de leur dépit.

  1. George venait cependant de terminer alors Elle et Lui.