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Comédie-Française ; il écrit cinquante volumes et vingt pièces de théâtre après s’être fait maudire par son père, austère magistrat, qui obtint qu’on le mit en prison et qu’il fut rayé de la liste des vivants, sur les registres de Calais. Cela eut pour résultat de faire condamner Pigault-Lebrun comme imposteur lorsqu’il prétendit être vivant. Il put cependant se remarier.

Les pécheurs repentants font les meilleurs maris…

On doit le croire. Il avait épousé, en secondes noces, la sœur de l’acteur Michot, de la Comédie-Française. Il eut un fils tué en duel, et une fille qui se maria avec M. Victor Augier, né à Orange, avocat du barreau de Lyon. Pigault-Lebrun alla s’installer à Valence, auprès du jeune ménage, lequel eut trois enfants, deux filles et notre auteur, Émile Augier.

La famille ! Comment Augier ne l’eût-il pas aimée ? Dès qu’il put comprendre, il entendit Pigault-Lebrun lui raconter ce qui s’était passé au mariage de ses parents. Les nouveaux époux étaient pauvres : au déjeuner, une vieille tante, qui n’avait rien dit jusque-là, déposa devant M. et Mme Victor Augier un portefeuille contenant cent mille francs, son cadeau de noces. L’union la plus étroite et la plus affectueuse unit Pigault-Lebrun et Victor Augier. Tant, qu’ils collaborèrent ou du moins qu’ils publièrent, sous ce titre : Gendre et beau-père, deux volumes réunissant des écrits de l’un et de l’autre, la prose de Pigault-Lebrun, les vers de Victor :

Au mois de septembre dernier (1821), mon gendre, M. Victor Augier, avocat à Valence, est venu à Paris. Il avait en portefeuille des pièces dont je ne dois pas dire ce que je pense ; j’en avais aussi quelques-unes. Nous avons cédé au désir d’ajouter une alliance nouvelle à celle du sang et d’une amitié sincère. Nous avons uni, confondu nos œuvres, et c’est ce recueil que nous offrons au public[1].

Émile Augier avait alors deux ans. Quand il en eut dix, son grand-père lui remit deux volumes, qu’il venait d’écrire sous ce titre : Contes pour mon petit-fils, et avec cette dédicace :

  1. Gendre et beau-père, 2 volumes. Barba, 1822.