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A mon petit-fils, Emile Augier.


Mon cher Emile,

C’est pour toi que j’ai fait ces contes ; c’est à toi que je les dédie. Puissent-ils t’amuser, t’intéresser ; puissent-ils surtout te donner des idées positives de la morale, sans lesquelles la société ne peut exister, et t’inspirer le goût des hautes sciences qui honore l’homme qui les cultive !

P.-L.

Et son libraire et ami Barba raconte ceci :

Il aimait Emile. Un an avant sa mort, il vint chez moi dès sept heures du matin ; il pleurait, mais de joie.

— Je crains de vous déranger, mais c’est que j’ai une grande nouvelle : notre enfant, notre Emile a un second prix de version grecque !

« Notre Emile » reçut d’autres prix à Paris où il fut le condisciple du Duc d’Aumale. Ensuite, son père le plaça dans une étude d’avoué. On le destinait au Barreau. Les garçons :

… Quand on ne sait qu’en faire,
On les fait avocats ! Et vogue la galère ![1]

Mais, de même que Victor Augier rimait à dix-huit ans, Emile écrivait, au même âge, des tragédies. L’avoué, son patron, ne put manquer de s’en apercevoir et lui dit un jour :

— Vous vous ennuyez à l’étude, monsieur Augier ?

— Dame, monsieur… pas trop.

— Assez, n’est-ce pas ?… Eh bien, n’y revenez plus. Je n’en dirai rien à votre père.

Ecrivons ici le nom de ce bon avoué : il s’appelait Francis Masson.

Sans être avocat, Augier put donc laisser voguer la galère, et la laisser voguer en l’abandonnant aux impulsions de ceux qui l’avaient lancée.

Sa vie fut le développement harmonieux des vertus et des forces ancestrales. Son aïeul avait été magistrat austère : il eut de l’austérité, mais avec mesure. Son grand-père avait été un

  1. Un homme de bien.