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de second plan que, selon la tournure des événements, le Gouvernement aurait soutenus ou désavoués. Ce qui demeure, c’est la forte position économique prise par l’Angleterre sur la capitale de l’Allemagne catholique, Cologne.

La France ne verrait aucun inconvénient à ces succès de ses alliés, elle s’en réjouirait même, si l’activité et la propagande britanniques ne tendaient pas à éliminer d’abord l’influence française.


III

Une République allemande des ports de la Mer du Nord aurait été une création artificielle ; dans la Baltique, au contraire, les Anglais n’ont qu’à se servir du traité de Versailles pour organiser une République de la basse Vistule destinée à grandir sous l’égide de la Puissance maîtresse des mers et à devenir le centre de l’influence britannique dans la Baltique. Le Président Wilson avait stipulé que la Pologne devrait obtenir « un libre accès à la mer » et « son indépendance politique et économique. » Cette double condition paraissait impliquer qu’elle recevrait en toute souveraineté un port sur la Baltique ; Dantzig, entouré de populations polonaises, partiellement polonais lui-même, était tout indiqué, et les hauts plénipotentiaires étaient enclins à lui en assurer la possession. Mais M. Lloyd George veillait ; on l’a toujours vu, dans les délibérations de la Conférence, opposé aux décisions qui auraient pu faire une Pologne plus solide et plus forte. La Pologne, selon lui, n’avait pas besoin, pour être assurée d’un libre accès à la mer, que Dantzig fit partie intégrante de l’Etat polonais ; il suffisait que le libre usage commercial lui en fût garanti. La Conférence eut la faiblesse de céder à ces sophismes ; il en résulta les articles 100 à 108 du traité de Versailles, qui sont parmi les plus compliqués et les moins clairs. Où est le temps, hélas ! où le texte des traités était coulé dans le bronze de la précise et forte langue française ? Les articles concernant Dantzig sont visiblement traduits de l’anglais par quelqu’un qui, en anglais, savait sans doute ce que parler veut dire, mais en français assurément non[1].

  1. Veut-on quelques exemples dont nous empruntons le texte à l’édition officielle in-4o :
    § 5 de l’article 104 : « 5° De pourvoir à ce qu’aucune discrimination soit faite, dans la ville libre de Dantzig, au préjudice des nationaux polonais et autres personnes d’origine ou de langue polonaise. » (Il faut entendre par « discrimination : » différence de traitement ; mais le texte anglais disait « discrimination, » on n’a pas cherché plus loin.)
    Et encore, Article 105 : « Dès la mise en vigueur du présent traité, les ressortissants allemands domiciliés sur le territoire décrit à l’article 100 perdront, ipso facto, la nationalité allemande, en vue de devenir nationaux de la ville libre de Dantzig. »