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à l’étude ce soir pour le règlement de ses affaires. Il paraît que tout a été arrêté ce matin.

Archer s’appuya à la cheminée, le visage caché dans ses mains. Était-ce son cœur qui lui résonnait aux oreilles, ou le déclic bruyant de la pendule ? Combien de minutes s’écoulèrent ainsi ? Enfin, il se retourna :

— C’est impossible ! s’écria-t-il.

— Impossible ?

— Comment savez-vous ce que vous venez de me dire ?

— J’ai reçu un mot d’Ellen aujourd’hui. Lisez-le. Je croyais que vous étiez au courant.

La lettre disait : « May chérie, j’ai enfin fait comprendre à grand’mère que ma visite chez elle ne pouvait être qu’une visite, et elle a été bonne et généreuse comme toujours. Elle comprend maintenant que, si je retourne en Europe, je dois y vivre seule, ou plutôt avec ma pauvre tante Medora, qui m’accompagne. Je pars en hâte pour Washington, où j’ai à faire mes préparatifs, et m’embarquerai la semaine prochaine. Soyez très bonne pour grand’mère quand je serai partie, aussi bonne que vous l’avez toujours été pour moi. — Ellen. — P.-S. Si j’avais des amis qui voulussent modifier ma décision, dites-leur, je vous prie, que c’est absolument inutile. »

Archer relut la lettre deux ou trois fois, puis la jeta sur la table en éclatant de rire. Le son de ce rire le frappa. Il se rappela la frayeur de Janey quand elle l’avait surpris à minuit, secoué d’une gaîté extravagante, devant le télégramme qui annonçait que la date du mariage avait été avancée.

— Pourquoi vous écrit-elle cela ? demanda-t-il, se reprenant dans un suprême effort.

May répondit avec son regard de candeur :

— Je crois que c’est parce que nous avons si bien causé hier.

— Causé de quoi ?

— Je lui ai dit que je craignais de n’avoir pas été juste pour elle, de n’avoir pas compris ses difficultés ici, au milieu de nous, de ces parents qui étaient comme des étrangers, qui s’arrogeaient le droit de critiquer sans être toujours à même de comprendre…

Elle hésita, puis reprit :

— Je savais que vous étiez le seul ami sur qui elle pût tou-