Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/650

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étant de construction moderne. Mais sa situation imposante sur une hauteur commandant au loin les plaines explique son importance stratégique. Si le style des maisons, dont beaucoup de boutiques ont des enseignes exclusivement hébraïques y est sans grand intérêt, en revanche, il n’en est pas de même de la population étrangement mêlée qui s’y coudoie : les juifs galiciens aux longues houppelandes sombres, aux cheveux tire-bouchonnant devant les oreilles, au feutre mou noir, à la mine rêveuse et craintive y dominent. Le jour de l’inauguration de l’Université roumaine, on y voyait aussi les curieux paysans du voisinage, si pittoresques avec la chemise blanche, la fota, que portent hommes et femmes, qui retombe sur les bottes, que les femmes relèvent d’un pli élégant sur la cuisse et que recouvre, formant corsage, le cojoc, la veste de peau de mouton retournée la laine à l’intérieur et dont le cuir nu s’adorne de vives broderies. On y voyait aussi les étudiants qui, ayant gardé, sous le joug léger de l’autorité roumaine, leurs habitudes autrichiennes, s’y pavanaient sous les costumes traditionnels de leurs corporations autrichiennes, polonaises, juives ou roumaines.

La cérémonie principale de l’inauguration universitaire se déroula avec une pompe curieuse et solennelle dans le plus bel édifice de la ville qui est le palais du métropolite (ou, comme on dit en Roumanie, du métropolitain), magnifique édifice moderne de style byzantin. Dans la grande salle au riche plafond cloisonné, aux colonnes de marbre, aux peintures murales déroulant l’histoire de l’Église roumaine, on avait placé deux de ces magnifiques fauteuils qui prennent le nom de trônes dès lors que des personnes royales s’y assoient.

À gauche se tenaient les corporations d’étudiants : les Roumains en habits noirs avec des insignes discrets, les Autrichiens avec tout le superbe attirail que le germanisme a prodigué parmi eux depuis des siècles dans leurs « korps : » grandes bottes à l’écuyère et culottes blanches, gants à crispin, écharpes éclatantes qu’achève au flanc un grand nœud, rapières énormes à grosse coquille, et, comme coiffures, surmontant des minois poupins que balafrait plus d’une cicatrice anodine et récente, le tout petit calot brodé à élastique que couronne le cimier poilu d’une peau de renard… ou de lapin. À droite se tenaient les officiers de la maison du Roi, superbes dans leurs uniformes bleu pâle magnifiquement chamarres, les généraux, les