Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/733

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en bande, le personnel de l’ambassade, M. Heuzey, l’archéologue de l’Institut, sa femme et sa fille, M. Joubin, jeune élève de l’Ecole d’Athènes, chargé sous la direction d’Hamdi-Bey, un Turc intelligent, artiste, moderne et roublard, d’organiser le Musée du Serai, que nous visiterons demain ; c’est là que sont groupées les antiquités grecques et byzantines, qui, jusqu’ici, se perdaient et s’effritaient dans les caves ou aux ordures. M. Heuzey a voué ses dernières années aux monuments des Hittites, ancêtres préhistoriques mal connus, chez qui il a voué un culte particulier à un certain roi Goulah, que les sceptiques assurent n’avoir jamais existé et ne s’être pas appelé Goulah, mais qui n’en est pas moins le pivot de son système.

Déjeuner chez l’ambassadeur : des villas modernes ; un intérieur moderne, c’est un simple garden-party à Nice. Excursion en mouche à une villa voisine où le romancier anglais Bulwer, père de Lord Lytton, a eu, il y a soixante ans, l’idée baroque de construire un château faux moyen-âge, du plus désolant effet. Nous sommes, de plus en plus, en plein garden-party ; ce n’était pas dans le programme, mais je dois reconnaître que cette détente n’était pas superflue après les impressions surchauffées de ces derniers jours. Retour. Dîner au cercle d’Orient, avec les amis. Nous sommes à Paris, — trop.


Le mardi 30 mai : la matinée dans les plus belles mosquées de Stamboul : révélation de ce que peut être l’ornementation de faïences, qu’on ne soupçonne pas avant de venir ici ; tu n’imagines pas l’effet d’une coupole haute comme le Panthéon, couverte depuis la base des piliers jusqu’à la frise d’un revêtement de faïences, panneaux dont pas un dessin n’est pareil, et à qui le temps a donné une patine lumineuse dont rien de ce que nous connaissons ne peut donner idée, — un fond blanc laiteux, des dessins bleus, avec quelques notes rouge-brique aux pétales des fleurs, — et c’est tout. — Elles triomphent à l’immense Ahmadié, dans les appartements d’apparat de la Yeni-Validé-Djami, mais surtout dans ce petit bijou de Rustem-Pacha-Djemi, que les guides qualifient de délabré, mais que j’ai simplement trouvé harmonieux et fondu.

On traverse l’antique hippodrome, celui de Théodora, des cochers rouges et des cochers verts, longue place où se dresse entre un obélisque de Théodose et une pyramide, un des plus