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cette prétendue folie. Condamné par le Concile de Nicée, Arius était parti pour l’exil ; mais l’arianisme était diffus et puissant, avait des amis dévoués même à la Cour, parmi lesquels Constance, la sœur de Constantin ; il ne renonça donc pas à la lutte. Profitant des erreurs des adversaires, adoucissant sa doctrine, Arius et ses partisans réussirent à regagner la faveur de Constantin, en le persuadant qu’une réconciliation était possible. L’empereur, toujours animé du désir de rétablir l’unité morale de l’Empire, tenta cette réconciliation ; mais il se heurta à une opposition invincible, surtout dans le nouvel évêque d’Alexandrie, Athanase. Cette intransigeance des adversaires poussa à la fin tout à fait Constantin du côté d’Arius. La faveur impériale rendit courage à la secte, qui réussit à faire condamner, en 335, Athanase au Concile de Tyr. Athanase fut à son tour exilé en Gaule et tous ses partisans plus en vue, poursuivis et dispersés ; Arius rentra en triomphateur ; la Cour fut envahie par les Ariens, qui devinrent dans presque tout l’Orient le parti dominant de l’Eglise. Mais le parti adverse ne désarma pas ; et de ce moment une lutte immense, d’une fureur implacable, agita tout l’Empire, ajoutant aux autres une nouvelle cause de faiblesse.


VIII

Comment expliquer ce phénomène presque incroyable ? Ces disputes théologiques, qui ont joué un si grand rôle dans l’histoire du Christianisme, semblent aux hommes modernes, comme d’ailleurs à Constantin, presque une inconcevable folie ! Mais une grave question se pose ici. Pour quelle raison toute la force et la sagesse de l’autorité impériale furent-elles impuissantes contre ce délire, ou qui nous semble tel ? Comment les hommes ont-ils pu se haïr, se poursuivre, se massacrer pendant des siècles, pousser un grand empire à la ruine pour des questions si abstruses et si subtiles ? Car à nous, qui ne voyons plus ce qui se cachait derrière ces disputes, ces disputes semblent n’avoir pour objet que des mots. Mais juger ainsi, c’est ne pas comprendre un des plus grands drames de l’histoire humaine. Quelle vie prodigieuse prennent ces obscures discussions théologiques, quand on les replace dans le désordre épouvantable de l’immense Empire qui croulait, parce qu’il n’avait plus