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faisions. Le chiffre de deux cent vingt-six milliards, inexactement donné par une grande partie de notre presse comme celui de la créance alliée, a déchaîné une tempête au-delà du Rhin. Comment payer une indemnité aussi colossale ? Nous ne paierons pas, s’est écrié le Vorwaerts. La valse des milliards, s’est exclamée la Deutsche Allgemeine Zeitung. Le monde renversé, a écrit le Schwäbischer Merkur. Retour à l’esclavage, le crime mondial de Paris, a répété la Post. Réunion de fous, a diagnostiqué le Berliner Tageblatt. Indemnité insensée, a gémi la Vossische Zeitung. Plan de spoliation de l’Allemagne, a conclu la Kreuz Zeitung. Et, pour rester en harmonie avec une opinion publique montée à ce diapason, le docteur von Simons a dit au Reichstag que le gouvernement allemand n’accepterait pas de prendre l’accord de Paris comme point de départ des négociations de Londres. L’Allemagne demande à traiter de pair à pair avec les Alliés, dans des conditions qu’elle ne définit pas, mais qui soient de nature à lui laisser toute liberté de marchandage.

Voyons cependant les témoignages renouvelés de modération que lui ont, depuis quelques mois, donnés les gouvernements alliés. D’abord, dans cette question du désarmement, qui est pourtant capitale pour la France. Les délais fixés pour l’exécution des clauses militaires, aériennes et navales, expiraient le 10 janvier, le 20 mars, le 10 avril 1920. Le 26 avril, l’Allemagne n’avait pas exécuté ses engagements. Réunis à San-Remo, les Alliés lui adressèrent une signification catégorique, qui ne fut, bien entendu, suivie d’aucun effet. Deux mois plus tard, à Boulogne, avertissements itératifs, qui produisent le même résultat. Les Alliés se retrouvent à Spa, le 9 juillet, examinent derechef la situation et accordent de nouveaux sursis. Au terme indiqué, les missions interalliées constatent que l’Allemagne n’a pas dissous la police de sûreté et n’en a pas livré le matériel, qu’elle a des sous-marins en construction, qu’elle fabrique du matériel aéronautique, qu’elle a, dans ses places maritimes, des pièces d’artillerie en surnombre, que les cadres et les effectifs de la Reichswehr dépassent les chiffres autorisés, que les Einwohneruiehren ont, en quantité considérable, des armes lourdes et des armes portatives, bref que, non seulement, l’Allemagne n’est pas désarmée, mais qu’elle continue à s’armer. Là-dessus, que fait la Conférence de Paris ? Reprend-elle les exigences du Traité de Versailles, ou même celles de San Remo, ou même celles de Spa ? Non, elle octroie à l’Allemagne toute une série de nouveaux délais échelonnés. Les facilités nouvelles laissées à l’Allemagne ne vont-elles pas avoir un contre-coup fâcheux