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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.

de Pologne, qui donne des disponibilités aux Bolchevistes, leurs succès en Arménie, et l’effondrement de Wrangel qui leur laisse les mains libres dans la Russie du Sud et par conséquent à proximité du Levant, créent une situation qui donne à réfléchir.

En effet, malgré certains dissentiments survenus en Arménie, l’entente entre les Bolchévistes et les Kémalistes et l’aide apportée à ces derniers par les Soviets peuvent devenir une menace redoutable. C’est la plume autorisée de Mme Berthe Georges Gaulis qui écrit qu’ « au Turkestan, sur les frontières de l’Afghanistan, à Askhabah, Merv, Boukhara, Tachkend, Kosand, Andihan, 30 000 bolchévistes commandés par Enver et Djemal, secondés par des officiers turcs, sont en position de combat, avec, comme réserve pouvant être à pied d’œuvre dans un délai très court, l’armée rouge de Tomsk, sans compter les 80 000 rouges du Caucase. »

On sait, de plus, que l’armée grecque de Smyrne est troublée par les événements d’Athènes et que les Kémalistes viennent de l’attaquer non sans succès. Or, Smyrne a toujours été le gros obstacle à une entente avec les Kémalistes. Si les Kémalistes se sont d’abord portés sur nous en Cilicie, c’est que les Grecs, avec leurs 120 000 hommes retranchés derrière les fils de fer de Smyrne, étaient plus difficiles à atteindre. C’est pour cette raison, plus encore que pour les prétextes arméniens invoqués et qui n’ont été qu’une des causes occasionnelles du conflit, que la lutte a éclaté. On n’ignore pas que les prétentions des Kémalistes ont augmenté depuis, mais on ne peut oublier qu’il y a peu de semaines, ils n’énonçaient dans leurs propositions d’entente avec les Alliés au sujet du traité de Sèvres aucune condition qui concernât spécialement la France. Ils demandaient alors, ainsi que leurs radios de propagande l’ont publié : l’évacuation de Smyrne par les Grecs et l’autonomie de cette région, sous l’administration directe de la Commission des détroits ; l’autonomie de la Thrace constituée en état-tampon sous la souveraineté ottomane ; l’adjonction à la Commission chargée de délimiter la zone neutre, de délégués de Smyrne, de la Thrace et de l’Anatolie ; la modification, dans un sens favorable à la Turquie, des articles de la partie financière et économique du traité de paix ; la séparation du Sultanat et du Khalifat.