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Quelle est, dans ces conditions, notre situation vis-à-vis des Kémalistes ? Nous prolongeons un cruel malentendu en nous battant avec eux sans avoir d’élément essentiel de dissentiment. Or, nous venons de leur donner la mesure de notre résolution et de notre force en remportant sur eux les incontestables succès de la colonne du général Goubeau, en leur enlevant Aïntab, et nous savons comment nos voisins d’Adalia, les Italiens, ont réalisé dès longtemps un arrangement très favorable avec Kémal pacha, avec lequel ils vivent en paix.

Aussi, tant pour ces motifs qu’en raison de la politique d’économie qu’il est du devoir du Gouvernement de poursuivre, ainsi qu’il l’a proclamé lui-même en affirmant son désir de faire cesser nos sacrifices en Cilicie, il est certain qu’il n’hésitera pas à faire comprendre aux négociateurs nationalistes convoqués à Londres les avantages réciproques de la situation présente. Mais il fera entendre en même temps que nous sommes prêts à continuer notre effort, si cela est indispensable, même si c’est seulement au prix de nouveaux succès militaires que doit être réalisée une paix favorable.

Le choix de notre Haut-Commissaire à Constantinople est, pour la France, la garantie que la question kémaliste est abordée avec toute la finesse et la force qui ont toujours caractérisé le général Pellé, aussi distingué diplomate que brillant chef militaire.

Puisse la paix rétablie prochainement en Turquie nous, rendre à nos traditionnelles relations de confiance avec ce pays qu’une erreur largement exploitée par nos ennemis a lancé contre nous dans une guerre où il a été bien près de perdre son existence même ! C’est seulement quand tant de nuages encore menaçants auront pu être écartés par le souffle de sincérité et de bienveillance réciproque qui mûrira la réconciliation de la France avec les Turcs, que notre œuvre en Cilicie comme en Syrie pourra prendre toute sa valeur et porter tous ses fruits.

XII. — CONCLUSION

Les développements de cette étude ont montré quelle a été la valeur de l’effort français au Levant, dans un présent procédant d’un passé illustre. Ils ont tenté de prouver aussi quelles étaient