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III. — UN QUESTIONNAIRE AUX CONFESSIONS CHRÉTIENNES SUR LA RÉVOLUTION : LES RÉFLEXIONS SUR LE PROTESTANTISME

A Genève, puis à Lausanne, Maistre avait eu l’occasion d’observer le protestantisme et de méditer, mais les événements du jour l’obsédaient ; en étudiant la Réforme, c’est à la Révolution qu’il songeait. Le 18 septembre 1797, il notait dans son Journal :


Il s’est fait en moi un changement extraordinaire : d’anciens goûts se fortifient, des idées vagues prennent de l’assise, des conjectures se tournent en certitudes. Aujourd’hui 18 septembre, je commence un ouvrage dont je ne connais pas encore le titre. Il me semble que je commence à entrevoir ma vocation.


Nous avons eu sous les yeux un attachant témoignage de cette vocation : c’est le volume : Religion E, dont les 810 pages manuscrites s’intitulent : Fragments sur la religion, ou recueil d’extraits et de réflexions relatives à un ouvrage projeté, où le système catholique serait envisagé sous un point de vue nouveau. 1798-18... » Maistre caressait donc dès 1798 l’idée d’une œuvre d’apologétique dont le « point de vue » serait « nouveau. » C’était le moment où nos armées contraignaient Charles-Emmanuel à l’abdication ; c’était l’heure de crise dont Maistre écrira : « Dans le vrai, je suis mort en 1798, les funérailles seules sont retardées [1]. » Mais non, il n’était pas mort ; l’activité de sa pensée religieuse lui devenait garante d’une Vita nuova.

Les pages commencées en septembre 1797 furent probablement ces Réflexions sur le protestantisme dans son rapport avec la souveraineté, qui portent la date : « Turin, 1798. » Maistre interpellait sur le chaos révolutionnaire les deux confessions chrétiennes. Or il lui semblait que Rome répondait : La révolte n’est jamais permise, et que la nature même du catholicisme le rendait « l’ami, le conservateur, le défenseur le plus ardent, de tous les gouvernements. » Mais tout au contraire, il considérait que la Réforme, « née rebelle, était l’ennemie mortelle de toute espèce de souveraineté, » qu’elle cousinait avec le jacobinisme, et qu’elle n’était que « le sans-culottisme de la religion [2]. »

M. Ernest Seillière définit la philosophie politique de

  1. Œuvres, X, p. 415.
  2. Œuvres, VIII, p. 90-97.