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« Tu me vois encore à Fez, et dois trouver que je ne suis guère avancé dans mon voyage ; ce n’est que trop vrai : cela tient à ce que j’ai voulu passer toujours par les chemins les moins connus, et qu’il faut parfois longtemps pour trouver les moyens de les parcourir...

« De Fez, j’ai voulu aller à Tàdla ; il y a deux chemins, l’un facile et sûr, en passant par Rabat ; l’autre très peu fréquenté, très difficile, et traversant un pays complètement inexploré : naturellement j’ai tenu beaucoup à prendre le deuxième. Informations prises, il n’y a personne ici qui puisse nous y conduire en sûreté ; nous faisons écrire à Mékinès : là, on nous répond qu’il y a un chérif influent, qui connait ce chemin, le prend quelquefois, connaît les tribus que nous traversons, et qui peut, en un mot, nous conduire en sécurité à Bou Iaad, capitale du Tàdla (Tàdla est une province et non une ville comme l’indiquent les cartes). Nous le faisons venir ici : il consent à nous accompagner, mais déclare qu’il ne veut partir qu’après les fêtes qui terminent le ramadan. Force nous a été d’attendre ; c’est pourquoi nous sommes restés si longtemps à Fez. Les fêtes du ramadan seront finies après-demain ; aussi demain nous partons pour Mékinès, et de là, aussitôt, pour Tàdla. Pendant les trois semaines que je savais devoir séjourner à Fez, afin de ne pas perdre mon temps, j’ai été de Fez à Tàza (à trois jours de distance). J’y ai été par un chemin, et suis revenu par un autre. La position de la ville était connue, mais les chemins qui y aboutissent n’avaient pas été relevés ; je l’ai fait aussi exactement que possible.

« J’y ai eu le spectacle inattendu d’une ville où tous les habitants, musulmans et juifs, ne rêvent qu’une chose : la prochaine arrivée des Français. Ces pauvres diables sont dans un pays où l’autorité du sultan est nulle, et ils sont d’une façon continue en proie aux violences et aux pillages de la puissante tribu kabyle des Riata ; aussi ne cessent-ils de prier Allah de leur envoyer les Français, pour les débarrasser des Riata. Je suis resté une huitaine de jours à Tàza, faute de trouver avec qui en sortir en sûreté. Enfin, nous en sommes revenus, et nous allons partir pour Tàdla.

« Jusqu’ici je ne suis pas content du tout de Mardochée : il est poltron et paresseux. De même que pour Figaro, on ne peut dire que ces deux vices se partagent son cœur : ils y règnent