d’accord, dans l’harmonie la plus parfaite. Par-dessus le marché, il est douillet au delà de toute expression : il passe son temps à geindre, et, quelquefois même, il pleure à chaudes larmes. Dans les premiers jours, ce n’était que ridicule ; à la longue, c’est fort ennuyeux. Marche-t-on, ce sont le soleil et les cahots de la mule ; est-on dans une ville, ce sont les puces et les punaises ; et puis l’eau qui est chaude, et puis la nourriture qui est médiocre. Tous ces petits détails peuvent être parfois durs à supporter, mais il n’avait qu’à ne pas m’embêter à Alger pour voyager avec moi. Je t’avoue que si je n’avais pas tenu beaucoup à accomplir mon itinéraire, et à ne pas revenir sans avoir rien fait, je l’aurais remercié il y a plus d’un mois, et je serais revenu à Alger chercher quelqu’un de plus actif, de plus entreprenant et de plus viril. Mais à aucun prix je ne veux revenir sans avoir vu ce que j’ai dit que je verrai, sans avoir été où j’ai dit que j’irai.
« Je crois que le voyage me coûtera tout ce que j’ai emporté, ou peu s’en faut : jusqu’ici j’ai dépensé 1 500 francs, et j’ai peu marché ; il est vrai que là-dessus j’ai deux mules d’une valeur de 250 francs chacune... Ce qui coûte cher, c’est de marcher : dans les villes, on ne dépense presque rien : souvent on reçoit l’hospitalité gratuitement (c’est ce qui a eu lieu à Fez et à Tàza) ; dans les autres lieux, on loue une petite chambre, qui coûte au plus 15 ou 20 sous par jour, et on se nourrit à très bon marché. Mais en marche, c’est une autre affaire. Veut-on aller d’un point à un autre, voici ce qu’on fait : on va trouver un notable de l’endroit, qu’on sait pouvoir vous conduire en sûreté au point où on veut aller. On lui dit : je veux aller à tel endroit ; donnez-moi votre anaïa, et servez-moi de zettet. L’anaïa c’est la protection, le zettet c’est le protecteur. Il vous répond : Très volontiers, c’est tant. On marchande une bonne heure, finalement on convient du prix. On lui remet la somme dite, moyennant quoi il vous accompagne lui-même, ou vous fait accompagner par un de ses parents ou de ses serviteurs, jusqu’au point désigné. C’est la seule manière de voyager dans les tribus berbères et kabyles. Sans cette précaution, les gens mêmes de l’endroit que vous quittez courraient après vous, pour vous piller à un quart d’heure de la ville ou du village d’où vous sortez.
« Ce zettet est la vraie chose coûteuse dans notre voyage : il