Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se paie plus ou moins cher, suivant qu’on doit traverser des tribus plus ou moins dangereuses. Quelquefois, il est excessivement cher : ainsi, en sortant de Tàza, pour aller de là à un autre point, sur la route de Fez, distant de la ville seulement de six heures de chemin, j’ai payé 60 francs (il s’agissait de traverser le territoire de ces terribles Riata). Tu comprends qu’avec une telle difficulté de communication, le commerce n’est pas actif au Maroc ; quoique le pays soit merveilleusement fertile, les habitants sont pauvres ; ils cultivent juste ce qu’il leur faut pour vivre, faute de pouvoir vendre le surplus. Il n’y a aucune comparaison entre ce pays-ci et l’Algérie, qui est un désert auprès de lui. En Algérie, il n’y a d’eau nulle part, même en hiver. Ici, dans cette saison-ci, il y a de l’eau partout : ce ne sont que rivières d’eau courante, ruisseaux, torrents, sources. Et note que, depuis que j’ai mis le pied dans le Maroc, je n’ai pas vu tomber une goutte de pluie. Mais il y a de hautes montagnes boisées, et, de la terrasse de la maison où je suis, on voit des filets de neige sur les cimes éloignées du Djebel Ouaraïn, dans la direction du Sud-Est. »

Un mois d’arrêt ! Charles de Foucauld l’emploie à faire deux grandes excursions, l’une à Tàza, comme il a été dit, dans l’Est ; l’autre à Sefrou. Le récit très détaillé qu’il fait de ces deux excursions me semble être une des meilleures parties de la Reconnaissance au Maroc. Là aussi, les phrases pittoresques abondent ; par exemple celle-ci : « A trois heures et demie, nous atteignons un col : Tàza apparaît. Une haute falaise de roches noires se détachant de la montagne et s’avançant dans la plaine, comme un cap. Sur son sommet, la ville dominée par un vieux minaret : à ses pieds, d’immenses jardins. » Foucauld atteint la porte de la première enceinte, ôte ses chaussures, et entre dans la ville.

Cité la plus misérable du Maroc I La tribu des Riata la pillait perpétuellement. Toujours en armes, encombrant les ruelles et les places, s’ils trouvaient quelque objet ou quelque bête de somme qui leur convînt, ils s’en emparaient, et il n’y avait contre eux aucun espoir de justice. « Il est difficile d’exprimer la terreur dans laquelle vit la population, aussi ne rêve-t-elle qu’une chose : la venue des Français. Que de fois ai-je entendu les Musulmans s’écrier : Quand les Français entreront-ils ? Quand nous débarrasseront-ils enfin des Riata ? Quand