— Voilà le vrai peuple russe ! Nous allons assister à un magnifique réveil du sentiment national !
Tous les partis politiques, sauf naturellement l’Extrême-droite, réclament la convocation immédiate de la Douma, pour mettre fin à l’impéritie de l’Administration militaire et organiser la mobilisation civile de la Russie.
Vendredi, 11 juin 1915.
Depuis quelques jours, il y avait de l’effervescence à Moscou. Des rumeurs de trahison circulaient dans le peuple ; on incriminait à haute voix l’Empereur, l’Impératrice, Raspoutine et tous les personnages influents de la Cour.
Des troubles graves ont éclaté hier et continuent aujourd’hui. Un grand nombre de magasins appartenant à des Allemands ou portant des enseignes à désinence allemande ont été saccagés.
Samedi, 12 juin 1915.
Le calme est rétabli à Moscou. Hier soir, la troupe a dû faire usage de ses armes.
Au début, la police a laissé faire les émeutiers, pour accorder une sorte de satisfaction aux sentiments de colère et d’humiliation que les défaites de Galicie ont provoqués dans le peuple moscovite. Mais le mouvement prenait de telles proportions qu’il a fallu en venir à la manière forte.
Dimanche, 13 juin 1915.
Les troubles de Moscou ont eu un caractère particulier de gravité, que les récits de la presse ont laissé dans l’ombre.
Sur la Krasnaïa Plochtchad, la fameuse « Place rouge » qui a vu se dérouler tant de scènes historiques, la foule a invectivé les souverains, réclamant l’incarcération de l’Impératrice dans un couvent, la déposition de l’Empereur, la transmission de la couronne au Grand-Duc Nicolas, la pendaison de Raspoutine, etc.
Des manifestations tumultueuses se sont aussi portées devant le monastère de Marthe-et-Marie, qui a pour abbesse la Grande-Duchesse Élisabeth-Féodorowna, sœur de l’Impératrice