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faudrait environ dix fois plus. A la Commission des Réparations, le Reich ne dit, d’ailleurs, pas un seul mot du remboursement des pensions, ni des paiements en espèces. Nous en restons donc toujours exactement au même point. D’autre part, à l’injonction que le gouvernement allemand avait reçue de transférer dans les succursales de Cologne et de Coblence toute l’encaisse métallique de la Reichsbank, la Kriegslasten Kommission a répondu, qu’il lui était impossible d’accéder à cette demande, qu’elle ne voulait pas bouleverser davantage le change allemand et que, tout ce que pouvait faire le Reich, c’était d’étendre jusqu’au 1er octobre prochain l’interdiction pour l’Allemagne d’exporter de l’or. Toujours la même ironie alternant avec la même insolence.

A la veille du 1er mai, l’Allemagne n’a donc pas pris la peine de se mettre en règle avec le Traité. Elle a cherché à doubler l’échéance sans trop de dommages et à gagner du temps pour éviter les mesures annoncées par M. Briand : huissier, gendarme et main au collet. Recommencer les conversations, les traîner en longueur, retourner à Londres, à Bruxelles, à Spa, quelle heureuse fortune si, au lieu de se voir prendre des gages, au lieu d’être forcée d’abandonner aux Alliés l’administration de ses douanes, le commerce de son charbon, l’Allemagne pouvait revenir au chemin fleuri des conférences et renouveler, dans les coulisses du Conseil suprême, les intrigues nocturnes qui ont naguère failli lui valoir de si belles concessions ! Tel était le but essentiel de la manœuvre allemande, nous éblouir par de vagues promesses, au moment où M. Briand était, à son tour, à Lympne, l’hôte de sir Philip Sassoon et allait s’entendre avec M. Lloyd George sur les garanties d’avenir dont la France tout entière proclame la nécessité.

Mais, même reprise sur le conseil et sons les auspices des États-Unis, une conversation ne nous donne, pour plus tard, aucune sécurité, si elle n’est pas précédée d’une prise de gages, qui nous offrent, d’une manière permanente, des moyens de recouvrement. Assurément, si les États-Unis se portaient garants de l’Allemagne, s’ils nous proposaient leur propre caution, nous pourrions renoncer, en toute tranquillité, à l’occupation de la Ruhr ou à une mainmise sur les douanes du Reich. Mais, pour que cette garantie solidaire fût effective, il faudrait que le président Harding, après avoir déclaré qu’il ne voulait pas engager la responsabilité de l’Amérique dans les affaires européennes, changeât bien inopinément d’avis ; il faudrait, en outre, que cet invraisemblable engagement fût pris par le Sénat américain.