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A défaut de cette solidarité financière, une seule chose pourrait nous rassurer : la promesse des États-Unis que, si l’Allemagne ne tenait pas sa parole, ils seraient à côté de nous pour la contraindre et s’associeraient aux mesures de coercition que nous serions forcés de prendre. Mais encore cette assurance ne serait-elle tout à fait déterminante que si elle était, elle aussi, corroborée par un vote du Sénat américain et si les États-Unis conservaient en Europe, jusqu’à paiement total de la dette allemande, des moyens d’action suffisants. En dehors de ces combinaisons, qui paraissent chimériques ou dont nous ne pouvons, du moins jusqu’ici, espérer la réalisation, il n’y a rien qui soit de nature à remplacer des gages. Laisser passer, sans les prendre, l’échéance du premier mai, ce serait donner une prime scandaleuse à la mauvaise foi du gouvernement allemand et nous désarmer définitivement vis-à-vis de lui. Quelle que soit la forme des entretiens que nous pouvons avoir avec lui, qu’ils soient directs ou indirects, spontanés ou suggérés, à quelques conclusions qu’ils aboutissent, l’Allemagne ne sera jamais à même de nous payer, en un court espace de temps, le montant de notre créance ; le règlement sera toujours espacé sur un plus ou moins grand nombre d’annuités ; nous resterons donc exposés à des mécomptes ultérieurs. Pour nous prémunir contre ces périls futurs, dont le présent et le passé nous ont déjà trop clairement montré la vraisemblance et la gravité, nous avons besoin d’avoir et de garder entre les mains de solides nantissements et d’être en mesure de recouvrer nous-mêmes, le cas échéant, les sommes qui nous sont dues. Tout le reste n’est que du vent.


RAYMOND POINCARÉ.


Le Directeur-Gérant :

RENÉ DOUMIC.