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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/580

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on l’a soutenu et à peu près démontré, il faudrait établir que le Greco est de tous les maîtres celui qu’on doit suivre exclusivement. J’entends bien qu’on le dit depuis quelque temps, mais on disait la même chose, il y a cent cinquante ans, de l’Albane et de Pierre de Cortone et toute esthétique était tenue pour erronée qui ne s’ajustait pas à leur œuvre. De semblables engouements n’ont jamais rien prouvé que la puissance de la mode. Ils ne sauraient prévaloir contre le témoignage des grandes œuvres de tous les temps et ces exemples concordent tous pour nous dire qu’il y a des lois de la structure humaine et des proportions auxquelles on n’échappe pas. Oh ! sans doute, dans l’enseignement des ateliers et pour la démonstration plus claire d’un principe, on peut outrer un trait jusqu’à la caricature. On peut mettre la forme humaine en cercles, en carrés, réduire un arbre à un schéma géométrique, la surface de l’eau courante en rhombes, un mouvement en vibrations. De tout temps on l’a fait et même en dehors des ateliers, on ne s’en est jamais privé. Dans les Modern Painters de Ruskin, l’on peut voir des montagnes mises en polyèdres et jusqu’aux nuages « représentés comme de petites masses carrées » , disait-il, c’est-à-dire en cubes, afin de démontrer « avec une plus grande simplicité » , la perspective et le mécanisme des ombres portées du cirrus et des phénomènes en apparence les plus libres. Tels des écorchés ou le disque des complémentaires. Ge sont des matériaux dans le laboratoire de l’artiste. Ce n’est pas de l’Art.

Enfin, l’idée la plus fausse de toutes est que par cette voie l’on peut aboutir à une Renaissance. L’autotomie est le contraire d’une Renaissance. L’esprit de la Renaissance n’a été, en aucune sorte, sinon en architecture, un esprit de réaction ou de dédain envers le passé. La Renaissance fut un accroissement. On serait bien embarrassé de dire sur quel point les grands artistes du XVIe siècle ont sacrifié quelque chose des progrès réalisés ou des habiletés déployées par les Primitifs. On resterait tout aussi court s’il fallait dire en quoi notre admirable école française du XVIIIe siècle a renié les acquisitions du siècle précédent et s’est interdit de s’en servir. Et, s’il fallait montrer ce que les Turner et les Constable et l’Ecole de Barbizon chez nous ont négligé d’employer des ressources de leurs devanciers, que trouverait-on ? En tout, dessin, valeur, couleur, ils ont été plus complets, plus fidèles imitateurs