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de la nature et plus virtuoses que leurs devanciers du paysage académique, étant donné qu’il ne s’agit pas, ici, du choix d’un sujet plus ou moins compliqué, mais de la façon plus ou moins complète et complexe dont le sujet est traité.

Il y a eu, il est vrai, dans l’Art moderne, de prétendues réformes procédant d’un système. Mais il ne faut pas confondre les deux choses. Les Réformes ne sont pas des Renaissances. Les Réformes ne sont nullement des afflux de sève : ce sont des épurations, des émondages, c’est-à-dire des diminutions de vie ou au moins des aspects sensibles de la vie. Il y a plus de vie apparente et de générosité picturale chez Michel-Ange, Vinci ou Titien que chez Cimabue, Masaccio ou Fra Angelico. Il y a plus d’exubérance chez Raphaël que chez Giotto : enthousiasme, déploiement de toutes les facultés, ivresse et prodigalité de toutes les sortes de richesses, voilà une Renaissance. Au rebours, il y a infiniment moins de vie, de liberté, d’exubérance chez David, Guérin, Fabre ou Girodet-Trioson que chez Fragonard, La Tour ou Watteau : restriction, constriction, et anémie coloriste, voilà une Réforme. Le trait différentiel est précis, constant, indéniable. Chez les Maîtres de la Renaissance, tout est porté à une plus haute puissance que chez les Primitifs : composition, dessin, mouvement, modelé, couleur, facture. Chez David et ses élèves, tout est volontairement émondé, retranché, contraint, vidé : « une peinture Spartiate, » disait Gros.

Il faut noter ce moment, car c’est à dater de lui, c’est sous l’influence de Winckelmann, que les nouvelles écoles ont procédé d’un système au lieu de naître de l’enthousiasme. Laisser s’exprimer toutes ses facultés, mettre dans son œuvre tout ce qu’on a hérité de ses maîtres avec tout ce qu’on vient d’acquérir par soi-même, chercher à rendre tout ce que l’on peut de toutes les émotions ressenties en face de la nature, voilà l’enthousiasme, — et c’est ce qui, hier encore, animait nos grands paysagistes. S’abstenir dételles émotions parce qu’elles sont trop communes, s’interdire certains effets, parce qu’ils ont été déjà rendus, recréer conventionnellement la nature, le sachant et professant cette convention, voilà le système. Et jusqu’ici, dans toute l’histoire de l’Art, l’expérience a démontré que les systèmes ne créent rien. C’est le pédantisme dans le néant.

Le seul argument fourni en faveur de ce néant est toujours