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Aux Artistes français, il y a un autre paysage de ciel, par M. Snell, immense dans un tout petit cadre : encore des portraits de nuages clairs flottant sur des plaines et des collines sombres à la Constable. Le titre : Le ciel se découvre après une journée de pluie rend bien l’impression ressentie et communiquée. Enfin, M. Gorguet, dans une toile en hauteur, intitulée Sérénité, et qui pourrait l’être : dialogue du ciel et des eaux, a montré combien diverses peuvent être dans un même moment, au même endroit, les régions superposées des nuages et de la mer, selon la lumière, le vent et la chaleur. Le ciel est fait d’abord de stratus sombres plafonnants en haut, ensuite de cumulus clairs au centre et d’une nuée opaque à l’horizon. L’eau est vue dans trois de ses états habituels : dans les délaissés de mer calmes au milieu des sables, elle remplit sa fonction de miroir et elle reproduit la clarté des boules nuageuses qui roulent dans le ciel ; en pleine mer plissée par le vent, elle annonce l’étendue liquide par sa couleur spécifique ; à l’horizon, touchée par le rayon lumineux à son maximum d’intensité, elle perd cette couleur et ne reflétant que du soleil, elle se confond avec lui. Les contemplatifs capables de perdre leur temps en de semblables songeries, prendront un vif plaisir à cette minutieuse analyse de M. Gorguet.

Ils n’aimeront pas moins s’imaginer qu’ils se promènent sous les feuilles éblouissantes de lumière, obtenues par un fourmillement d’atomes colorés, qu’on voit çà et là, dans les deux Salons. Ils souhaiteront passer la Porte du parc, de M. Le Sidaner, suivre les allées de peupliers, de M. Montézin, l’été, ou, en automne, prendre celle qui conduit au Moulin de M. Marcel Bain. Ils s’arrêteront, aussi, devant les grands espaces nus et profonds que M. Grosjean a longuement médités aux environs de Saint-Amour, dans le Jura. — « Ce bon Lorrain, écrit un Amateur de couleurs, dans ses Notes, a connu et aimé dès l’enfance les courbes du sol de France : il sait le jeu des collines qui se mêlent et se dénouent et comment presque toujours l’une d’elles s’abaisse en quelque endroit pour laisser voir les grands lointains et prolonger nos rêves. » Ce peu de mots de M. René Bazin suffit à définir l’émotion très particulière que produit l’art de M. Grosjean. Dans l’Espace, de M. l’abbé Buffet, on en ressent une non pas semblable, mais du même ordre. En général, cependant, les paysagistes contemporains concentrent tout l’intérêt