bienveillants de notre Etat-major, qu’ils purent organiser à loisir leur ministère et leur armée. S’ils avaient montré tout de suite plus d’esprit de décision, s’ils avaient perdu moins de temps en bavardages de café et en querelles de personnes, si les quelques milliers d’officiers qui se trouvaient à Szeged, avaient bonnement accepté de servir comme de simples soldats, si tout ce monde enfin s’était mis résolument en marche sur Budapest avec les armes et les munitions que nous leur avions prêtées, ils auraient rallié en chemin tous les paysans du pays et culbuté sans peine la misérable armée bolchéviste alors presque inexistante. Au lieu de cela, à Szeged, on fit de la politique ou la fête ; on donna au Conseil suprême le temps de déclarer qu’il ne reconnaissait pas ce gouvernement réactionnaire. Nos officiers se virent contraints de reprendre les fusils qu’ils avaient bénévolement prêtés, et de se tenir désormais sur la réserve. Les Hongrois oublièrent alors les services rendus, pour ne plus voir que notre refus de les aider davantage. La légende s’accrédita d’une trahison des Français, et l’on fit retomber sur eux la déconvenue et l’impuissance des politiciens de Szeged.
Cependant, à Budapest, Bela Kun, encouragé par quelques succès faciles que la nouvelle armée rouge venait de remporter sur les Tchèques, se mit en tête d’attaquer les Roumains, avec l’espoir de rallier toute la nation autour de lui par un exploit militaire. Il croyait d’ailleurs fermement qu’un mouvement révolutionnaire allait éclater à la fois, le même jour, 20 juillet, en Allemagne, en Angleterre, en Italie et en France. Aussi choisit-il ce jour-là pour déclencher son offensive. Mais ce jour catastrophique du 20 juillet 1919 fut dans toute l’Europe une journée très paisible. Cette révolution mondiale, en laquelle Bêla Kun avait mis un espoir aussi naïf que Karolyi jadis, ne se produisit nulle part. Et pour comble de disgrâce, il dut s’apercevoir tout de suite que son armée ne valait rien.
Les bolchévistes avaient franchi la Tisza. Pendant les premiers jours, l’armée roumaine fit semblant de reculer devant eux ; puis passant soudain à l’attaque, elle culbuta les troupes des Soviets, qui perdirent en moins d’une semaine la moitié de leurs effectifs. Le reste repassa précipitamment la rivière. Et à leur suite, les Roumains envahirent la Hongrie, décidés cette fois à réussir contre le bolchévisme cette opération de police, dont le Conseil suprême avait si imprudemment refusé