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REVUE LITTÉRAIRE

LE GRAND CHAGRIN DE NOS CONTEURS GAIS [1]


Nos conteurs gais sont, pour la plupart, des philosophes pessimistes.

On pourrait tirer de leurs ouvrages tous les arguments d’une doctrine la plus désespérante. Ils vous montrent sans pitié la médiocrité des gens, une médiocrité habituelle et qui, dans les occasions moins ordinaires, devient une espèce d’absurdité. Ils analysent l’âme humaine et n’y trouvent que des velléités courtes, généralement débiles et, en cas d’une activité plus importante, une maladresse à décourager votre sympathie. De gros vices, de criminelles intentions ? Ma foi, non : de petits défauts et des projets peu honorables. Nulle initiative ; et c’est la destinée qui mène tant bien que mal ces marionnettes. La destinée ? Un grand mot ! Disons, tout simplement, le hasard : mais un hasard qui semble très souvent malicieux ; il n’est pas jusqu’au hasard qui ne se moque de ses misérables victimes et ne s’amuse à les bafouer, de compte à demi avec les conteurs gais. Si le hasard tourmente l’humanité, il faut la plaindre ? Non : les malheurs des gens sont à leur taille, qui n’est pas haute. Si la malice du hasard se relâche, l’humanité est contente ? La joie des gens vaut leur tristesse et ne vaut pas qu’on s’attendrisse.

Nous avons eu, et nous avons encore, sous le nom de réalistes, qui est un nom qu’ils ont pris afin de nous imposer, des écrivains

  1. L’Enfant prodigue du Vésinet, par Tristan Bernard (Flammarion) ; du même auteur : Mémoires d’un jeune homme rangé, Un mari pacifique, Amants et voleurs, etc. (Fasquelle). — M. Gretzili, professeur de philosophie, par Maurice Beaubourg (Ollendorff). — La Dame très blonde, L’Amant de la petite Dubois, Camembert-sur-Ourcq, etc., par Max et Alex Fischer (Flammarion). — La Dame au rendez-vous, par Miguel Zamacoïs (Flammarion). — Mon ami Pierrot, conte bleu, par Gyp (Calmann-Lévy).