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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/700

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une des premières qu’il m’adressa : « Je ne comprends rien à la musique et de plus je ne l’aime point. Ce qui n’empêche pas d’ailleurs que je crois parfaitement possible, — et je le pourrais si je le voulais, — de la réduire à deux ou trois idées générales. » S’il le pouvait, comme il le croyait, nous sommes plusieurs à nous féliciter qu’il ne l’ait point voulu. Nous passons notre vie, pauvres critiques musicaux, à chercher ces deux ou trois idées, et le jour où quelqu’un les aurait trouvées, nous n’aurions vraiment plus rien à faire. Peut-être serait-ce tant mieux. Un autre critique littéraire, oui, tout autre que Brunetière, Jules Lemaître, ne me disait-il point à son tour que de toutes les folies humaines, la critique musicale lui paraissait, et de beaucoup, la plus folle ! Je lui répondis qu’il fallait tâcher au moins d’en faire une belle folie, avec des intervalles lucides. Où donc ailleurs qu’ici, sous quels maîtres, à côté de quels compagnons, de quels amis, l’honneur eût-il été plus grand, plus grande aussi la liberté d’aborder et de poursuivre modestement, sinon d’accomplir cette tâche ? C’est pourquoi, parmi les souvenirs que j’évoque aujourd’hui pour elle et chez elle, il me plaît d’offrir à notre chère Revue l’hommage reconnaissant et fidèle de l’un de ses plus anciens serviteurs.


CAMILLE BELLAIGUE.