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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/77

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NAPOLÉON À TRAVERS LE SIÈCLE
1821-1921

Au commencement de juin 1821, Lamartine se trouvait en visite chez Mme de Saint-Fargeau, à Aix-les-Bains ; il y avait là, avec lui, quelques personnages de marque, notamment l’ex-constituant Lally-Tollendal et le maréchal Marmont. La porte s’ouvrit brusquement et le duc de Dalberg entra très ému : « Il y a, dit-il, une bien grande nouvelle. Il est mort ! » Ils pâlirent tous.

Il y avait six ans qu’officiellement, Napoléon Bonaparte était rayé du nombre des vivants, son souvenir étouffé, son nom même proscrit. Il était convenu qu’on n’en parlait plus. En réalité chacun pensait à lui : trois générations vivaient qui, dans la haine et l’amour, restaient possédées de son image. « Il est mort ! » Tous, du premier coup, avaient compris. Le poète en resta saisi : de cette minute d’intense émotion jaillit la Septième Méditation :


Ici gît... Point de nom !... Demandez à la terre !...

Déjà la Terre frémissait à la « grande nouvelle : » « Il est mort ! » Mort, il entrait définitivement dans l’immortalité.

Déjà sa légende emplissait le monde. Sa geste, comme on eût dit du temps de Philippe-Auguste, se célébrait, non point encore par la plume des poètes, des dramaturges, des romanciers et des historiens, mais sous le chaume, dans les granges et dans les cabarets. Il était de ces héros qui n’attendent point, pour être chantés et racontés, que l’on ait eu le temps d’accorder