aux lourds présents, parmi les antres rocailleux ou sur les terrasses, — goût essentiellement méridional et oriental. On devine, à le voir s’épanouir et bayer au soleil, pourquoi il a quitté, toute sa vie, sa Lorraine et laissé se morfondre, dans les brouillards de la Woëvre, Mlle de Jessincourt. Chacun de nous a deux patries : la sienne et puis celle de sa prédilection, due à d’obscures idiosyncrasies, à la révélation de certains aspects nouveaux de la vie à une heure décisive de la jeunesse, ou simplement à des appétences physiologiques. Pour M. Louis Bertrand, comme chacun sait, cette seconde patrie, c’est l’Afrique. On comprend, alors, le sens de son aphorisme : « La patrie n’est pas là où dorment les morts ; elle est partout où la France est vivante. » Et, sans doute, elle vit très intensément en Algérie, en Tunisie, au Maroc, — mais surtout elle vit au soleil ! Je doute qu’il eût éprouvé le même enthousiasme sacré s’il l’avait vue vivre au Canada, par exemple... Il lui faut non seulement du soleil, mais un soleil sans ombre, le soleil sur le désert nu et sur les ruines calcinées. La Provence est l’extrême-nord qu’il puisse habiter et même, ici, dans ce coin de Riviera, peu s’en faut qu’il ne regrette ce qui ne se voit qu’en Orient, ce qu’il a appelé : « l’averse du feu dévorateur, le plein midi, l’heure blanche du Sud, l’heure de diamant ! »
Pour en retrouver quelque chose, il vous invite à monter dans la colline, vers les oliviers où s’étagent de petits bastions de pierres sèches, et à mesure qu’on grimpe de terrasse en terrasse, le ton du dialogue s’élève aussi. Il fait les honneurs de son jardin, puis de son bois, puis de son horizon, puis de sa mer latine, qu’on découvre largement de ce point. Et son geste s’étend encore et c’est, par delà les mers, tous les pays méditerranéens dont il prend possession pour composer la trame de ses souvenirs ou les éléments de quelque thèse historique : c’est l’Acro-Corinthe et son panorama de sommets sacrés ; la masse rocheuse de Salamine, le Cithéron, l’Hélicon, le Parnasse ; c’est Carthage et le plateau de Byrsa ; c’est la nécropole de Sakkara en Egypte ; c’est la Palestine, Jéricho et l’enchantement de la Mer Morte... Il doit y avoir, pour l’explorateur, une rare volupté, à évoquer, dans cette halte reposante, sous les souffles parfumés de la Riviera, les affres de l’ascension du Taygète, ou la descente des falaises qui dominent la Mer Morte sur En-Gaddi....