excellent ; mais après encore ? S’il s’agit d’entrer dans l’enseignement ou dans l’armée, les portes seront ouvertes au mérite pauvre ; elles le sont déjà. Mais en dehors de ces carrières et des autres carrières d’Etat, auxquelles nous avons peut-être le tort de penser exclusivement, combien d’autres, d’ailleurs déjà trop remplies, demandent, avec des diplômes, une mise de fonds ? Pour d’autres encore, telles celles d’avocat et de médecin, le succès se fait d’ordinaire attendre ; et il faut vivre pendant cette attente. L’institution scolaire rêvée ne tient pas assez compte de l’organisation sociale. Cette organisation est-elle foncièrement injuste d’ailleurs, et n’est-ce pas une forme de la justice aussi que celle qui paye aux enfants, par des facilités offertes à leurs débuts, la dette prolongée de la société envers des parents qui l’ont bien servie ? Quoi qu’il en soit, comme le rappelait M. Fouillée, la société et la vie ne commencent pas à chaque génération. Et ceux qui, parce qu’ils ont réussi à un examen, croient que rien d’autre ne compte, et que tout leur est dû, se heurtent à des ripostes décevantes de cette vie. Craignons de multiplier outre mesure le nombre de ces déceptions et de ces diplômes sans emploi.
Parlons maintenant de ceux qui restent en route et que l’une des sélections successives élimine. Ils ont tenté de s’élever ; ils retombent. Ils seront pour la vie des ratés et des mécontents. Ils s’en prendront à la société qui n’avait qu’à les laisser où ils étaient. Et ils n’auront pas tout à fait tort ; car le coupable est le représentant de la société, le premier examinateur qui s’est trompé sur leur compte et les a engagés dans une voie qui n’était pas la leur, Mais ce n’est pas celui-là qu’ils trouveront injuste. Ils seront reçus sans bienveillance dans le milieu où ils rentreront, ferme ou usine ; ils y apporteront les regrets d’un autre avenir entrevu et reprendront péniblement les habitudes perdues. Sous le régime de la liberté, de pareils mécomptes se produisent déjà. Mais, outre que ce régime tire de lui-même des adoucissements, au moins l’Etat n’a-t-il pas mêlé sa responsabilité à tant de destinées, n’a-t-il pas de ses propres mains monté une machine à fabriquer de la souffrance humaine. Cette sélection progressive serait un supplice pour l’enfance, si légère qu’on la suppose, puisqu’elle la ferait vivre sous l’épée de Damoclès d’examens sans cesse renouvelés. Nous avons écrit ailleurs que l’examen était une maladie nationale. Mais chaque