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maladie a son âge. Épargnons celle-là à l’enfance, surtout si un premier succès ne doit pas vacciner, et si cela est toujours à recommencer.

Pour les élèves payants, nous l’avons vu, ils peuvent être déchus du titre honorifique d’élèves de mérite, mais on continue de les tolérer. On ne les élimine pas, on les dégrade. Admettons que cette note d’indignité soit supportée avec une indifférence résignée, quoiqu’il soit d’une mauvaise pédagogie de faire naître l’habitude de cette résignation. La porte reste ouverte à des révisions de jugement que l’évolution irrégulière de l’intelligence enfantine permet toujours d’espérer. Et c’est parce qu’on les espère que, dans l’état actuel, les examens de passage laissent passer à peu près tout le monde. En théorie, on les réclame implacables ; en fait, ils restent bénins. Rien de changé donc pour ces élèves, si l’on s’en tient aux termes du projet de loi Rameil-Laval.

Mais les commentateurs du projet poussent la logique plus loin. Pour eux l’ « élimination des inaptes » est le corollaire de la sélection des aptitudes. Pourquoi ce privilège fait à la richesse, privilège d’autant plus abusif qu’aucun élève, même payant, ne paye ce qu’il coûte, et que l’Etat se trouve ainsi subventionner les indignes et les incapables ? Le docteur Toulouse expulse donc les « cancres riches » qui encombrent l’enseignement secondaire, et alourdissent les classes au détriment de camarades mieux doués et plus laborieux. Alors ils iront vers l’enseignement libre ? Mais comme, une fois lancé dans une voie, on ne peut s’arrêter, et qu’il se trouve toujours des esprits absolus qui exigent qu’on aille jusqu’au bout d’un système, on a demandé, (un renvoi est ici nécessaire pour donner l’authenticité voulue à ce vœu, qui d’ailleurs devait tôt ou tard être formulé parce qu’il est dans la logique des théories que nous discutons) [1], on a demandé que soit créé un certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire, qui serait délivré par un jury départemental, et dont la production serait exigée de tout candidat au baccalauréat. C’est un petit baccalauréat à douze ans, avant le grand et le vrai. Entrez dans l’enseignement libre, sans ce « laissez passer, » si vous voulez. On vous retrouvera à la sortie. De quelque valeur que vous fassiez preuve alors, vous n’avez

  1. Bulletin trimestriel de l’Association amicale des censeurs de lycées. Août 1920, p. 5.