Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

années virent éclore jusqu’à quinze volumes de Mémoires sur le Consulat et l’Empire.

Le 4 novembre 1893 Victorien Sardou, grand flaireur de vent, avait fait jouer sa charmante Madame Sans-Gêne et ce fut un des grands succès du siècle. Dès lors le théâtre reprit Napoléon : parfois trois pièces napoléoniennes en un an — jusqu’à l’éclatante première de l’Aiglon où Flambeau, dit Flambart, fut acclamé.

Alors parurent les premiers tomes des grandes œuvres attendues et l’histoire se mit enfin à parler. On sait quelle œuvre énorme elle a accomplie. M. Frédéric Masson en peut revendiquer la plus grosse part ; il vient seulement de clore cette série de volumes. Napoléon et sa Famille, qui restera un des monuments les plus riches, les plus considérables, et les plus singuliers élevés à la mémoire impériale. Sur les 26 volumes d’études napoléoniennes sortis de sa plume, ces 13 tomes font un ensemble sur lequel je me suis ailleurs amplement expliqué. Dès 1904, Henry Houssaye avait clos, avec son troisième tome de 1815, la série des études passionnantes entreprises en 1887 sur la chute de l’Empereur ; et, la même année, Albert Sorel avait publié, avec le dernier tome de son admirable ouvrage de l’Europe et la Révolution, les conclusions de l’œuvre dont Napoléon remplissait les quatre derniers volumes. Entre temps, Albert Vandal, après avoir apporté, avec Napoléon et Alexandre, la contribution la plus importante qui fût à l’histoire diplomatique du règne, avait fait paraître cet Avènement de Bonaparte qui reste le modèle du genre. Enfin M. Arthur Chuquet, avec la Jeunesse, mise en œuvre, en partie, du curieux recueil de documents, Napoléon Inconnu, publié dès 1895 par M. Frédéric Masson, balayait définitivement les légendes qui avaient entouré les années d’école et de garnison. Plus de cent historiens, au bas mot, apportaient, pendant ces trente dernières années, le résultat de leurs travaux et il paraît bien, après cette enquête énorme, que l’Homme se dégage enfin de sa légende.

Il n’est pas diminué, il s’en faut, pour s’être humanisé. Car si l’on essaye de résumer d’un mot le résultat total de tant d’études, c’est bien le seul mot qui convienne. Napoléon n’est pas un Titan, — il n’est plus ni diable ni dieu ; il est rentré dans l’Humanité, mais pour la dominer. Et je voudrais, pour terminer, essayer de dire très rapidement ce qui ressort de tant de travaux.