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des légendes, après l’excellente notice biographique de P. Mesnard, après les travaux de la Société historique et archéologique de Château-Thierry, même après le livre si com-plet et si vivant de M. Louis Roche, il reste, je le sais, des lacunes à combler, des obscurités à dissiper ; les archives publiques et celles des notaires doivent encore réserver quelques trouvailles aux fureteurs. Mais je laisse à d’autres le soin de ces investigations. J’ai lu tous mes devanciers. C’est à eux que je dois tout mon savoir.

Cette suite de causeries ne sera ni une étude littéraire des ouvrages de La Fontaine, ni un essai biographique. Je voudrais simplement tracer le portrait de La Fontaine aux diverses époques de sa vie. Pour cela je ne négligerai pas les témoignages de ses contemporains ; ils sont d’ailleurs rares et contradictoires ; mais j’omettrai beaucoup d’anecdotes, parce qu’elles sont les unes trop connues, les autres trop douteuses. Je m’en tiendrai presque toujours à ce que La Fontaine nous apprend de lui-même : c’est le plus sûr. Ses goûts et son tempérament, ses expériences et ses pensées, ses enthousiasmes et ses défaillances, ses amitiés et ses amours, il nous a tout confié. Jamais poète ne s’est livré avec tant de complaisance et d’ingénuité. Il était incapable d’un déguisement ou d’une arrière-pensée. « Je ne sais s’il a menti en sa vie, » dira de lui son meilleur ami. Il ne s’est jamais permis que des artifices de pure littérature, comme d’affubler ses maitresses de noms et de costumes mythologiques. Tout ce qu’il a dit de sa vie, de ses mœurs, de ses ouvrages est la vérité même, — quelquefois cum grano salis pour rendre le propos plus agréable, — mais qu’il faudrait avoir le goût grossier pour ne point sentir la saveur du vrai ! Je voudrais recueillir tous ces aveux, toutes ces confidences et en composer ce qu’on pourrait appeler les Confessions de Jean de La Fontaine.

Je mettrai ainsi sous vos yeux une image aussi fidèle que possible, et, comme c’est à lui que je demanderai le plus souvent de se peindre lui-même, je serai conduit à vous lire beaucoup de La Fontaine : vous ne vous en plaindrez pas [1].

  1. Je ne voudrais pas trans-former la Revue en un recueil de morceaux choisis. Je réduirai donc ici les citations au strict nécessaire, priant le lecteur d’ouvrir son La Fontaine aux pages que j’indiquerai.