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père a rempli les mêmes fonctions. Mais le visage, les mœurs, le tempérament de tous ces La Fontaine nous sont inconnus. De la mère, nous savons qu’elle était la sœur d’un bailli de Coulommiers, et qu’elle était veuve lorsqu’elle épousa Charles de La Fontaine ; rien de plus. Il est vrai que, du côté des Pidoux, les aïeux maternels, nous sommes un peu moins mal informés. Ils étaient de bonne bourgeoisie poitevine. Des Pidoux furent médecins de Henri II, de Henri III, de Henri IV. Des Pidoux furent longtemps de père en fils maires de Poitiers. Le grand-père de La Fontaine, Jean Pidoux, avait fait quelques poésies et composé un traité sur la vertu et les usages des eaux de Pougues. Enfin, dans son Voyage de Paris en Limousin, La Fontaine lui-même a conté comment il retrouva un Pidoux à Châtellerault.

« Je trouvai à Châtellerault un Pidoux dont notre hôte avoit épousé la belle-sœur. Tous les Pidoux ont du nez, et abondamment. On nous assu-ra de plus qu’ils vivoient longtemps et que la mort, qui est un accident commun chez les autres hommes, passoit pour un prodige parmi ceux de cette lignée. Je serois merveilleusement curieux que la chose fût véritable. Quoi que c’en soit, mon parent de Châtellerault demeure onze heures à cheval sans s’incommoder, bien qu’il passe quatre-vingts ans. Ce qu’il a de particulier et que ses parents de Château-Thierry n’ont pas, il aime la chasse et la paume, sait l’Écriture, et compose des livres de contro-verse ; au reste l’homme le plus gai que vous ayez vu, et qui songe le moins aux affaires, excepté celles de son plaisir. Je crois qu’il s’est marié plus d’une fois ; la femme qu’il a maintenant est bien faite et a certainement du mérite. Je lui sais bon gré d’une chose, c’est qu’elle cajole son mari et vit avec lui comme si c’était son galant, et je sais bon gré d’une chose à son mari, c’est qu’il lui fait encore des enfants. Il y a ainsi d’heureuses vieillesses, à qui les plaisirs, l’amour et les grâces tiennent compagnie jusqu’au bout : il n’y en a guère, mais il y en a, et celle-ci en est une…[1] »

Consignons donc que Jean de La Fontaine tient de la lignée des Pidoux un nez trop long et un grand mépris des affaires, excepté de « celles de son plaisir. » Voilà tous les traits héréditaires que l’on peut décou-vrir dans son visage et son caractère.

  1. Relation d’un voyage de Paris en Li-mousin. Lettre VI.