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mettait la main à l’œuvre ; personne ne se ménageait. C’était un plaisir de voir avec quelle ardeur chacun s’employait et la gaité qui régnait parmi les travailleurs. Cette occupation donnée par l’Empereur n’était pas sans quelque vues : en même temps qu’elle déroutait l’espion et lui donnait le change, elle faisait sortir les soldats de leur engourdissement et les mettait en haleine.

Le dernier ou l’avant-dernier jour que les soldats travaillaient encore à leur jardin, la corvette anglaise entrait dans La rade de Porto-Ferrajo. Son arrivée dans un moment aussi inopportun contraria vivement l’Empereur ; il craignit que les préparatifs qui se faisaient depuis quelque temps n’eussent donné l’éveil aux agents anglais. Fort heureusement, il n’en fut rien. La corvette repartit le 24 ou le 25, sans se douter de ce qui se préparait et, dès qu’on la vit au large, il n’y eut plus à supposer le moindre obstacle de sa part. Du reste, l’Empereur était bien résolu, si elle fût restée au mouillage jusqu’au jour qu’il avait fixé pour son départ, de faire pointer ses canons sur elle et de la couler, si elle eût voulu opposer de la résistance.

Plusieurs bâtiments de l’Ile, tant ceux qui appartenaient à l’Empereur que quelques autres qui avaient été frétés, avaient reçu l’ordre de mouiller le 26 à tel ou tel endroit, à une heure indiquée. Dans le milieu de la journée, on fît savoir à la Garde, infanterie, cavalerie, artillerie, et au bataillon corse, que chacun eût à préparer son sac et ses armes et à se tenir prêt au premier ordre. Cet ordre-ci fut transmis vers les six heures du soir, et à la tombée du jour, tout le monde se mit en mouvement. Chaque compagnie se trouva rendue au lieu qu’on lui avait désigné. L’embarquement commença immédiatement. On mit à bord du brick le plus de troupes qu’il fut possible. L’Inconstant ayant tout son monde, l’Empereur ne tarda pas à monter à bord. A neuf heures à peu près, l’escadrille sortit du port. Dans la soirée, les bâtiments qui avaient à leur bord le bataillon corse vinrent s’y réunir.

On avait fait prendre aux Polonais non montés leurs équipages, selles et brides, pour les monter à la première occasion. Quelques chevaux de l’Empereur avaient été embarqués ainsi que sa voiture. Les personnes de service de la chambre et de la bouche étaient, soit à bord du brick, soit à bord des autres