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bâtiments. Pour ce qui était des équipages des écuries, hommes, chevaux, voitures, excepté l’indispensable qu’on avait embarqué, tout resta à Porto-Ferrajo jusqu’à nouvel ordre.

Les princesses restèrent dans l’Ile en attendant l’issue de l’expédition. M… (je ne me rappelle pas le nom de cette personne), qui était commandant de la garde nationale, avait été nommé gouverneur de l’Ile. L’embargo avait été mis sur tous les bâtiments qui étaient dans le port.

Plus tard, j’ai appris qu’après le départ de la petite flotte, la corvette anglaise qui avait à bord le colonel Campbell était venue à Porto-Ferrajo. Le colonel, ayant été informé de ce qui s’était passé, s’était transporté immédiatement chez les princesses, et, devant elles, il avait exhalé sa mauvaise humeur dans les termes les plus inconvenants, tant contre l’Empereur que contre Leurs Altesses. On a rapporté qu’ayant son mouchoir à la main, il l’avait dé-chiré avec les dents et que ce qui l’avait le plus exaspéré, c’était le calme avec lequel Madame-Mère lui avait répondu. Il était au désespoir que son active surveillance eût été mise si fort en défaut.

La nuit du 26 au 27, nous fîmes peu de chemin ; le vent soufflait à peine, la mer était calme. Dans la journée, le vent fraîchit un peu. Sur les neuf ou dix heures du soir, on aperçut un bâtiment qu’on reconnut pour un brick français, qui allait dans un sens opposé à la route que nous tenions. Il était commandé par le capitaine An-drieux. On se parla ; j’entendis les mots : « Comment va-t-il ? » qui s’appliquaient probablement à l’Empereur. Je ne me rappelle pas les autres paroles qui suivirent, si ce n’est qu’on se souhaita bon voyage. La nuit était assez obscure. Comme le bâtiment avait passé fort près de nous, on avait dit aux grenadiers de se baisser pour n’être point aperçus. Ce fut la seule rencontre que nous fîmes pendant le voyage. Le temps se maintint beau pendant toute notre navigation.

Le premier mars, de bonne heure, nous découvrîmes les côtes d’Italie, voisines de celles de France et, dans la matinée, ces dernières. L’Empereur ordonna alors de faire disparaître la cocarde de l’Ile d’Elbe et de la remplacer par celle aux trois couleurs (la cocarde de l’Ile était rouge et blanche, le rouge au centre ; sur le blanc, il y avait trois abeilles.) En même temps que les soldats arboraient la cocarde tricolore, M. Pons de l’Hérault donnait lecture à haute voix de la proclamation de l’Empereur,