son compatriote, et fit la guerre d’Amérique. Des soldats, des marins, des prêtres, des administrateurs, des avocats, des notaires, du côté maternel comme du côté paternel, ils n’ont tous qu’une même ambition : servir. « La vieille France, écrivait naguère le général, nous lègue cette admirable conception de l’honneur et du service : chacun à sa place, si modeste soit-elle… Que chacun fasse son devoir sans se plaindre que les autres ne le fassent pas. »
Ainsi conçue et ainsi pratiquée, fortifiée et épurée par l’idéal chrétien, la tradition nobiliaire crée les races vigoureuses, les familles unies et fécondes ; elle crée aussi et elle entretient l’aptitude au commandement. À résider et à vivre sur ses terres, à se tenir toujours très près du peuple, la vieille noblesse provinciale française avait acquis une autorité morale et sociale dont l’ancien régime, pour son malheur, n’a pas su tirer parti. Le marquis Michel de Curières de Castelnau, le père du général, symbolise à un degré éminent toutes les vertus de sa lignée. Il avait quitté le château familial de Saint-Côme pour s’établir comme avocat à Saint-Affrique. C’était une âme antique, une personnalité originale et attachante. Il n’avait jamais lu un roman, n’était jamais entré dans un théâtre. Très cultivé d’ailleurs, érudit même, lettré et philosophe, écrivain à ses heures, son culte fervent du passé ne l’empêchait pas d’ouvrir largement les yeux sur son temps : il avait réfuté le livre de Jules Simon sur la Religion naturelle et il s’était vivement épris des idées de Le Play. Sa courtoisie raffinée, sa bonhomie charmante tempéraient de grâce et de bonne grâce sa naturelle gravité. Homme de foyer avant tout, il veillait avec une tendre et ferme sollicitude sur l’éducation de ses enfants, leur écrivant, quand ils étaient loin de lui, de longues, d’abondantes lettres ; il eut sur eux une grande influence, notamment sur celui qui, plus que tous les autres, devait illustrer sa maison.
Les Curières de Castelnau sont originaires du Rouergue, et leur petite patrie, qu’ils n’ont guère quittée, ou à laquelle ils revenaient toujours, les a fortement marqués de son empreinte. Pays rude, montagneux, surtout agricole, sillonné par les derniers escarpements du Massif Central et des Cévennes, mais qui nous achemine, par d’aimables vallons, vers la molle Guyenne. Sur ces hauts plateaux calcaires, l’âpreté et la solidité auvergnates s’atténuent et se nuancent déjà de finesse