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fenêtres de certains hauts personnages royalistes. Beaucoup de troupes reçurent l’ordre de filer sur Paris.

Ce fut à Lyon que, pour la première fois, je vis le général Brayer. Il dina avec l’Empereur. Il y avait le même jour à table un autre général et un ordonnateur en chef du nom de Marchand.

Le 13, l’Empereur alla coucher à Mâcon, où il arriva à la nuit fermée. A chaque moment, il y avait des pelotons de soldats à pied ou à cheval, commandés par des sous-officiers, qui venaient offrir leurs services et se joindre à l’armée, et, plus on avançait, plus l’escorte de l’Empereur devenait considérable. C’étaient des officiers, des soldats de toutes les armes, qui avaient abandonné leurs corps pour avoir le bonheur d’être avec leur père et le suivre dans sa marche triomphale. Dans un endroit que je ne me rappelle pas, un sapeur de dragons, à la barbe longue et touffue, arriva près de l’Empereur, l’enlaça de ses bras nerveux et l’embrassa à plusieurs reprises. Cet homme, pendant tout le voyage, n’a cessé de faire partie de la suite de l’Empereur ; il était remarquable par son grand bonnet à poil et sa barbe. Parmi ceux qui faisaient partie de l’escorte, il y avait deux ou trois officiers de mamelucks.

Le 14, l’Empereur coucha à Chalon. C’est dans cette ville que j’ai vu pour la première fois M. Fleury de Chaboulon. Toujours le même accueil, le même empressement de la part des populations.

Le 15, il entra à Autun. Il reçut un peu rudement le maire et le Conseil municipal de cette ville. L’Empereur ayant appris que ces Messieurs se laissaient diriger par les nobles et les prêtres, dont ils suivaient toutes les impulsions, leur dit entre autres choses : que leurs fonctions, dans toute circonstance, étaient de maintenir l’ordre, la tranquillité et la paix, et non d’obéir aux nobles et aux prêtres qui cherchaient à mettre le trouble dans les esprits, à fomenter la discorde et à exciter au désordre. « Je viens reprendre mon trône, continua-t-il ; eh ! est-ce vous qui pouvez vous y opposer ? Pourriez-vous résister un instant à ces masses immenses qui m’accompagnent et même à tous ceux qui m’accueillent dans cette ville ? etc. » Le maire et quelques membres du Conseil cherchèrent à placer quelques mots pour se justifier ; mais leurs paroles se trouvèrent comme perdues parmi les expressions véhémentes qui, sortant comme un torrent de la bouche de l’Empereur, ne leur permettaient