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où j’ai vu combien l’Empereur était sensible. L’entrevue eut lieu dans la chambre à coucher.

Le 9, dans la journée, même un peu tard, l’Empereur se mit de nouveau en route, accompagné de la troupe qui devait lui servir d’escorte et d’une bonne partie de la population, qui ne cessait de faire retentir les airs de : « Vive l’Empereur ! A bas les Bourbons ! A bas les prêtres ! » Les habitants de la ville ayant fait la conduite jusqu’à une certaine distance furent remplacés successivement par ceux des campagnes qui s’étaient rendus sur la route et qui à leur tour firent la conduite en chantant des chansons ap-propriées à la circonstance, et qu’ils entremêlaient de cris de : « Vive l’Empereur ! A bas les Bourbons ! » etc. Il en fut ainsi jusqu’à Bourgoing, où l’Empereur arriva à la nuit et où il coucha. Je me rappelle que les paysans avaient allumé des feux de distance en distance pour éclairer la route.

L’Empereur avait fait en voiture le trajet de Grenoble à Bourgoing, ayant avec lui le Grand-Maréchal. Je ne sais s’il avait fait acheter cette voiture ou si on la lui avait prêtée, mais je sais qu’il s’en est servi jusqu’à Paris. Elle lui était d’autant plus nécessaire, qu’il avait besoin de se reposer et de se guérir d’un rhume qu’il avait attrapé le premier ou second jour après le débarquement, dont il lui restait encore un fort enrouement et même une presque extinction de voix. Dans les circonstances où il se trouvait, il avait besoin de la parole, pour répondre aux autorités de tous les endroits par lesquels il passait, et haranguer les troupes qui venaient se donner à lui. Heureusement le rhume et l’enrouement s’amoindrirent peu à peu.

Noverraz étant de service le jour de l’entrée à Lyon, je n’ai pu voir comment les choses se sont passées. Ce n’est qu’assez tard que je suis arrivé dans cette ville. Je me rappelle que, pendant la nuit, il y avait une multitude de gens qui avaient stationné devant le palais de l’archevêché où était logé l’Empereur, et qui, de moment en moment, criaient : « Vive l’Empereur ! »

Le 11 et le 12, il y eut séjour. Ces deux journées furent employées à recevoir les autorités, les différentes députations et à passer des revues, sans compter le travail de cabinet pour l’expédition des ordres. Quelles jouissances dut éprouver l’Empereur ! Partout, ce n’était qu’acclamations, que manifestations en sa faveur. Les populations étaient heureuses de le revoir. J’ai appris que dans une soirée on avait cassé les carreaux des