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S’ils n’arrivèrent pas au château en même temps que l’Empereur, ils y furent rendus un quart d’heure après. L’Empereur entra par la cour du Cheval-Blanc et se rendit dans ses appartements où il prit quelques instants de repos ; après quoi, pour se rafraîchir, il fit sa toilette. Quoiqu’il eût voyagé en grande partie en voiture depuis Grenoble, il paraissait fatigué. On pouvait l’être à moins.

Vers les six heures, des régiments de lanciers, de chasseurs ou de hussards vinrent se ranger dans la cour du Cheval-Blanc. Chaque régiment était peu nombreux, mais l’organisation en était agréable à l’œil. Ils étaient habillés de neuf et chaque compagnie avait des chevaux d’une même robe. Je pense que c’était dans la nuit que ces corps s’étaient donnés à l’Empereur. L’Empereur descendit dans la cour, et à son aspect les cris de : « Vive l’Empereur ! » partirent de tous les rangs. La revue fut longue. Dès que les troupes eurent défilé devant lui, il donna l’ordre que ces régiments fussent dirigés sur Paris.

L’Empereur remonta dans ses appartements et déjeuna. Entre onze heures et midi, il donna l’ordre du départ. Grenadiers et chasseurs de la Garde, quoique bien fatigués, remirent avec joie le sac au dos : c’était la dernière journée qu’ils avaient à faire. Quand tout fut prêt, l’Empereur monta en voiture avec le Grand-Maréchal. Depuis Grenoble, c’étaient des chevaux de poste qui avaient fait le service, et ils continuèrent à le faire jusqu’à Paris. Une partie de la cavalerie, qui avait été passée en revue dans la matinée, servit d’escorte. Toute l’armée précédait ou suivait le cortège de l’Empereur. On allait au pas ou au petit trot, afin que tout le monde put suivre. La cavalerie d’escorte marchait un à un en bordant les deux côtés de la route ; une multitude d’habitants des villages accompagnaient l’Empereur, soit en dedans, soit en dehors de la haie des cavaliers. A chaque instant arrivaient des officiers supérieurs et beaucoup d’autres personnages qui venaient saluer l’Empereur et augmenter son état-major, le-quel était déjà très considérable. A Essonnes, nous trouvâmes des voitures attelées de six et huit chevaux des écuries du roi Louis XVIII, conduites par des cochers, postillons, piqueurs, habillés en bourgeois, qui tous avaient fait partie de la Maison de l’Empereur.

Ce que nous avions vu jusqu’alors n’avait rien de comparable au spectacle qui s’offrit à nos yeux lorsque l’Empereur