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écouté Galliffet, alla droit à l’Impératrice et lui raconta l’histoire. L’Impératrice alors, de prendre l’Empereur à partie dans une croisée, et de lui débiter son chapelet ; vainement l’Empereur essayait de la calmer, car tout d’un coup, perdant son sang-froid, elle s’écria : « Oui, Sire ! cet homme est le fléau de votre race, il vous perdra, mais je vous déclare que si vous mourez avant moi, on me trouvera entre lui et votre fils ! » Et à ces mots, elle quitta la place ; on la chercha dans ses appartements, elle n’y était pas, chez l’Empereur non plus : elle s’était réfugiée chez le Prince Impérial, qu’elle tenait embrassé quand on la retrouva.

« L’Empereur, qui était sorti du salon, s’approcha alors de Galliffet, et, sans s’émouvoir autrement : « M. de Galliffet, lui dit-il, quand vous aurez quelque chose d’important à dire ici, adressez-vous à moi, et non à l’Impératrice, dont le bon cœur se laisse trop facilement entraîner. »

« Voilà bien des nouvelles, ma chère adorée ; j’ajoute que la Reine de Saba est un four, et qu’on dit de tous côtés que la musique de X… ruisselle de mélodies à côté de celle-là. »

Henri Blaze de Bury, ami de Meyerbeer, et son collaborateur pour la Jeunesse de Goethe, critique musical à la Revue, ne pouvait manquer de s’intéresser au sort de l’Africaine. Meyerbeer était mort depuis peu[1]. Cet opéra fut représenté en avril 1865. Quelque temps avant la première, le critique écrit à sa fille, Yetta : « L’Africaine[2]se répète, et sera donnée en mars. On dit que c’est splendide, les premiers actes surtout. » Sa chronique du 15 mai est consacrée tout entière à l’opéra de Meyerbeer, et il semble, d’après cette chronique, que la musique de cet opéra souleva en son temps bien des polémiques, paraissant aussi révolutionnaire sans doute, que le parut, quelque temps après, la musique de Wagner. Mais Henri Blaze défend énergiquement le musicien mort, et sa chronique est curieuse. Que reprochait-on à Meyerbeer en 1865 ? d’être bruyant et obscur ; et Blaze répond : « Vous ne comprenez pas, c’est possible ; en ce cas, ouvrez vos oreilles, ouvrez surtout vos intelligences, et apprenez à comprendre… Ce serait en effet

  1. Meyerbeer mourut en 1864.
  2. Tout le monde ignore que l’idée première de l’Africaine appartient à Castil-Blaze. Il avait intitulé sa pièce : l’Arbre de Mort. Scribe en eut vent, et fit la pièce avec Meyerbeer (H. Blaze, Mes Souvenirs).