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et 3 200 juifs, nous en conclurions que les « catholiques » formaient plus des 98 centièmes du total. Affirmation passablement absurde, puisque nous savons que, dans nombre de paroisses populeuses de la banlieue, aussi bien que dans celles de certains arrondissements excentriques de la capitale, la proportion actuelle des non baptisés varie du tiers à la moitié de la population.

Mais suffit-il qu’un adulte ait reçu, entre les bras de sa nourrice, le sacrement du baptême, pour être compté au nombre des catholiques effectifs, c’est-à-dire des croyants ou des « fidèles ? » N’avons-nous pas sous les yeux des exemplaires notables de Français baptisés qui sont des zélateurs d’athéisme, à tout le moins des antichrétiens passionnés ? Cela n’est pas le propre de notre pays, ni de notre temps ; il en a été de même dans tous les siècles, et le contraire se voit également : le christianisme prôné ou soutenu par des gens qui n’étaient pas baptisés. Pour n’être pas suspect de faire des personnalités parmi les contemporains, je me contenterai de citer les illustres exemples de l’empereur Julien l’Apostat, baptisé de très bonne heure, et celui tout contraire de son prédécesseur Constantin qui, lui, bien que favorable aux chrétiens, ne voulut recevoir le baptême qu’à l’article de la mort, quelques jours avant de rendre le dernier soupir.

Il existe encore parmi nous, suivant la vieille formule impériale, des « protecteurs de la Religion, » qui prétendent l’imposer, mais n’ont point de goût à la pratiquer. Nous nous garderons de classer parmi les fidèles l’engeance de ces cléricaux non catholiques qui, séparant le Culte de la Foi et l’Eglise de l’Evangile, se flattent de ressusciter ce qui, précisément, était odieux au peuple autant que funeste au clergé : le « bras séculier » du dogme, la superstructure vieillie d’un catholicisme temporel qui devrait payer de soi-disant « privilèges, » au prix de la « liberté » chèrement achetée.

A l’autre bout de l’échelle, échelle dont les degrés supérieurs ne sont atteints que par très peu d’occupants, on aperçoit les chrétiens parfaits : ceux-là observent intégralement le précepte évangélique de l’amour, qui, obéi à la lettre par l’humanité, changerait la face du monde. Il est clair en effet qu’une société dont tous les membres auraient un tel oubli de soi, une telle bonté, une telle tendresse mutuelle, aurait par là même réalisé