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blanche, coupée par des cocotiers. La ville, entièrement moderne, n’offre aucun intérêt : c’est le banal point d’arrêt que l’on retrouve à tous les carrefours des grandes routes du monde. Ses larges rues, se coupant à angle droit, sont bordées de maisons à un étage qui font songer à celles de Port-Saïd. La population, comme du reste celle de Panama, mais à un degré beaucoup plus grand, est extrêmement mélangée ; aux blancs, Américains, Européens des diverses parties de notre continent, aux descendants des anciens Espagnols viennent s’ajouter des Indiens du pays et des Indes orientales, des nègres, des Japonais, des Chinois et des métis de toutes ces races, à des degrés de sang différents. Dans bien peu d’autres parties du monde, il serait possible de trouver des échantillons plus variés de l’humanité- et offrant des produits plus déconcertants pour un ethnologiste.

Néanmoins, si la ville de Colon n’est pas pittoresque, elle est en revanche très bien équipée pour sa destination. Un vaste dépôt de charbon d’une contenance de 700 000 tonnes, emmagasiné sous l’eau pour éviter les combustions spontanées, est prêt à répondre à toutes les demandes. Un système de wagons circulant sur des rails et mus par l’électricité déverse dans les soutes des navires, à l’aide de manches articulés, du combustible à raison de 100 à 150 tonnes à l’heure. Cependant il faut ajouter que la mise en route de tout ce système compliqué a toujours été, pour les bateaux à bord desquels je me trouvais, une opération assez longue. Dois-je avouer aussi que ma critique se double d’un regret : celui de ne pas avoir eu sous les yeux, comme en Égypte par exemple, la longue file des charbonniers arabes, semblables à un chapelet humain, montant à bord d’un pas alerte le combustible dans des couffins, au son d’une vieille et entraînante mélopée ?

Sur les quais sont disposés des entrepôts de mazout pouvant contenir des centaines de mille de barils. La glace artificielle tellement nécessaire sous les tropiques et l’eau de bonne qualité sont en abondance. Deux bassins de carénage, dont l’un de près de 1 000 pieds, permettent aux navires de se réparer.

Il y a soixante ou soixante-dix ans, les environs de Colon n’étaient que de vastes marais s’étendant jusqu’aux premiers contreforts de la région montagneuse. Quand il fut question de construire le chemin de fer, vers 1850, le sol ferme ne fut