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SUR L’ESPACE ET LE TEMPS SELON EINSTEIN.

lequel rouleraient des bulles d’éther, cesse d’être concevable, et il n’existe rien qu’une masse unique d’éther où baignent les astres. En un mot, le résultat négatif de l’expérience de Michelson ne pouvait être déduit a priori de l’identité problématique de l’espace absolu et de l’éther. Mais ce résultat négatif ne permet pas d’exclure a posteriori cette identité.

Il importe que nous revenions maintenant à nos moutons, je veux dire à l’hypothèse de Fitzgerald-Lorentz qui explique le résultat de l’expérience de Michelson, et qui fut en quelque sorte le tremplin d’où Einstein prit son essor. Voici cette hypothèse.

Le résultat de l’expérience est celui-ci : quand le parcours aller et retour d’un rayon lumineux entre deux miroirs est transversal au mouvement de la terre à travers l’éther, et qu’on le rend parallèle à ce mouvement, on devrait constater que ce parcours a été allongé. Or, on constate qu’il n’en est rien. Cela provient, d’après Fitzgerald et Lorentz, de ce que les deux miroirs se sont rapprochés dans le second cas, autrement dit de ce que le support sur lequel ils sont fixés s’est contracté dans le sens du mouvement de la Terre, et s’est contracté d’une quantité qui compense exactement l’allongement, qu’on aurait dû observer, du parcours des rayons lumineux.

Or, en refaisant l’expérience avec les appareils les plus variés, on constate que le résultat est toujours le même (aucun déplacement des franges). Donc, la nature de la matière formant l’instrument (métal, verre, pierre, bois, etc.) n’a aucune influence sur le résultat observé. Donc, tous les corps subissent, dans le sens de leur vitesse par rapport à l’éther, un raccourcissement, une contraction. Cette contraction est telle qu’elle compense exactement l’allongement du trajet des rayons

    possibles. Ce serait, par un chemin détourné, un étrange retour au finalisme et à l’orgueil anthropocentriques. Le fait que les voitures n’y passent pas, et que les passants y doivent rebrousser chemin ne prouve pas qu’il n’y ait pas des impasses dans nos villes. Il y a peut-être et même probablement aussi des impasses dans l’Univers considéré comme objet de science. Assurément on peut me répondre : ce n’est pas l’Univers qui est adapté à notre esprit, mais au contraire celui-ci à celui-là par l’évolution nécessaire due au frottement réciproque de l’un sur l’autre. Notre esprit doit évoluer en s’adaptant su mieux à l’Univers, c’est-à-dire de sorte que le principe de moindre action de Fermat, — qui est peut-être le plus profond principe du monde physique, biologique et moral, — soit réalisé. Et alors les conceptions les plus économiques, les plus simples sont bien les plus adéquates à la réalité. Oui, mais qu’est-ce qui prouve que notre évolution conceptuelle est achevée et parfaite, surtout quand il s’agit de phénomènes auxquels notre organisme est insensible ?