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les rayons reçus par l’autre, l’image de cette succession est rétablie dans sa réalité non déformée.

La distance dans le temps et la distance dans l’espace de deux événements donnés très voisins augmentent toutes deux ou diminuent toutes deux quand la vitesse de l’observateur diminue ou augmente. Nous l’avons établi. Mais le calcul qui est facile, grâce à la formule donnée ci-dessus pour exprimer la contraction de Lorentz-Fitzgerald, montre qu’il existe une relation constante entre ces variations concomitantes du temps et de l’espace. Très exactement, la distance dans le temps et la distance dans l’espace de deux événements voisins sont numériquement entre elles comme l’hypoténuse et un autre côté d’un triangle rectangle sont au troisième côté lequel resterait invariable[1].

Ce troisième côté étant pris pour base, les deux autres côtés dessineront, au-dessus de cette base fixe, un triangle plus ou moins haut, selon que la vitesse de l’observateur sera plus ou moins réduite. Cette base fixe du triangle dont les deux autres côtés, — la distance spatiale et la distance chronologique, — varient simultanément avec la vitesse de l’observateur, est donc une quantité indépendante de cette vitesse.

C’est cette quantité, qu’Einstein a appelée l’intervalle des événements. Cet « intervalle » des choses dans l’espace-temps est une sorte de conglomérat de l’espace et du temps, un amalgame de l’un et de l’autre dont les composants peuvent varier, mais qui, lui, reste invariable. Il est la résultante constante de deux vecteurs changeants. L’« intervalle » des événements, ainsi défini, nous fournit pour la première fois, depuis que la science péniblement se crée, une représentation impersonnelle de l’Univers.

Suivant la saisissante image de Minkowski, « l’espace et le temps ne sont que des fantômes. Seul existe dans la réalité une sorte d’union intime de ces deux entités. »

Cette unique réalité saisissable à l’homme dans le monde extérieur, cette donnée, la seule vraiment objective et impersonnelle qui nous soit accessible, c’est donc l’Intervalle einsteinien, tel qu’il vient d’être défini. L’Intervalle des événements est

  1. Dans le calcul ou la représentation géométrique que nous lui substituons, l’hypoténuse du triangle est la distance dans le temps, chaque seconde étant figurée par 300 000 kilomètres.