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à la pressante requête de notre ambassadeur, finit par interdire après en avoir laissé promener les horreurs dans toutes les grandes villes allemandes. Si, comme l’assurent contradictoirement certaines revues d’outre-Rhin, ce film s’appuyait sur les faits contenus dans une brochure de la Ligue des Femmes rhénanes, on peut se demander, avec le Jagebuch du 7 mai 1921, sur quelles exécrables fictions cette ligue tablait elle-même en l’espèce[1]. Est-il donc vrai que l’Allemand ne puisse vivre sans légendes ? Qu’il s’en nourrisse, qu’il s’en imprègne au point de finir par être sincère dans le mensonge ? Et qu’ainsi s’explique la persistance de ces monstrueuses calomnies qui, à ses yeux, prendraient figure de vérités ?

Quoi qu’il en soit, les promoteurs du mouvement n’avaient pas tant attendu pour lui donner plus d’ampleur. Déjà maints syndicats s’étaient ébranlés. On avait mobilisé jusqu’aux médecins, dont la Deutsche Zeitung du 20 novembre 1920 publiait un manifeste outrancier, qui prétendait montrer la noble race allemande frappée, menacée jusque dans la descendance de sa descendance, et proclamait la nécessité d’agir sur les peuples étrangers, « afin d’obliger leurs gouvernements respectifs de s’en prendre aux Français. »

Tant qu’il fut ministre des Affaires étrangères du Reich, le docteur Köster n’eut cure de pratiquer d’autre politique. Le 20 mai 1920, sur une interpellation de la citoyenne Rohl, député social-démocrate de Cologne, ne s’était-il pas félicité de l’occasion qui s’offrait à lui d’exposer publiquement sa façon de penser ?

« Le transport de 50 000 hommes de troupes de couleur au cœur de l’Europe est un crime envers le monde entier, assurait-il aux applaudissements du centre et de la droite. C’est la continuation des hostilités en pleine paix. »

Désormais, le Parlement ne se désintéressera plus de la

  1. Même dans la presse allemande de vives protestations se sont élevées contre l’exhibition de ce film. « C’est un film truqué depuis le commencement jusqu’à la fin, écrivait le 17 mai dernier la Cologne Post, journal du corps d’occupation britannique. Il est si outrageusement mensonger qu’une feuille wurtembergeoise l’a qualifié de bas, infâme et faux. » D’autre part, le Darmstädter Tageblaty, du 1er mai, publiait une déclaration du Comité de secours aux Rhénans (Berlin-Ouest-7, Sigismundstrasse) et de l’association « Rheinland » (Berlin-Ouest 30 et 16 Motzstrasse) blâmant énergiquement Distler et sa propagande. Il n’est pas jusqu’à la Frankfurter Zeitung qui ne dut le désavouer pour excès de zèle.