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première Révolution, les premières installations de houille blanche eussent été trois fois moins chères, elle aurait, dès avant la guerre, équipé les deux tiers de ses forces motrices et n’aurait pas manqué de charbon pendant les hostilités. Mais quand, dès le début de l’agression allemande, il lui fallut tout sacrifier aux fabrications de guerre, la houille noire lit immédiatement défaut pour les intensifier, et la production des munitions fut ainsi lamentablement retardée. Sans l’insuffisance du ravitaillement et des transports, la victoire aurait pu couronner l’effort de nos héroïques soldats pendant que la Russie leur donnait encore son concours, et la guerre aurait peut-être été raccourcie de moitié. La prolongation de la guerre peut être considérée comme un méfait du déboisement. Nous n’essaierons cependant pas de calculer ici ce qu’a coûté la seconde moitié de la guerre et ne ferons pas à nos vaillants poilus l’injure de convertir en or le sang qu’ils ont versé. Il faudrait d’ailleurs y ajouter, pour mesurer exactement ce méfait du déboisement, les répercussions économiques de cette prolongation sur la reconstitution industrielle et sur la cherté de la vie. Le ministre des Finances ayant fait connaître que la dernière année de guerre coûtait à son budget plus de cinquante milliards, nous nous contenterons d’adopter plus de cinquante milliards comme limite inférieure de ce qu’ont déjà coûté les déboisements commis à la fin du XVIIIe siècle. On est ainsi bien certain que cette mesure est au-dessous de la réalité.

L’hécatombe forestière de la guerre doit faire redouter des conséquences du même ordre, s’il n’y est promptement remédié.

La France, où la production des bois d’œuvre n’atteignait déjà pas la moitié de leur consommation, a sacrifié les réserves des forêts qui lui restaient et jusqu’aux arbres des routes pour repousser l’agression de la barbarie. La guerre, qui suspendait l’importation du bois, en a fait accroître l’emploi dans des proportions formidables pour édifier nos lignes de défense, nos abris, nos tranchées et des baraquements de toute espèce. Il est indispensable, dans ces conditions, de conjurer au plus vite l’extension des surfaces dénudées, qui diminuerait les ressources hydrauliques et aggraverait encore une situation dont nous avons vu les déplorables effets.

Le Directeur général des Eaux et Forêts a, dès 1918, exposé devant l’Académie d’Agriculture la nécessité d’y remédier. « Dès