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L’original dit : « Une bonne grosse carogne. ») « Quand elle s’y met, on crèverait de rire avec elle, et puis tant plus qu’on est, tant plus qu’on s’amuse. » Voilà tout notre monde à l’eau : les dames d’un côté, et, de l’autre, « dans le bain poignant, » le caporal Golzeau, qui regarde par le trou de la « buse » (en français : du tuyau.) Alors, entre le voisin indiscret et les peu farouches voisines, s’engage un galant dialogue, variante anticipée et comique de la première scène, aquatique aussi, du Rheingold, entre Alberich et les trois filles du Rhin. Mais l’heure du repas approche. Mis en appétit par le bain, baigneur et baigneuses, à l’appel du batelier, se rhabillent et toute la société s’en va dîner.

Le troisième acte (à l’auberge) se passe en mangeaille et beuverie, mêlée de danses et de chansons. Le langage ne s’y épure guère. On dirait d’un Téniers en musique. Propos de table, voire de cuisine, et d’amour s’échangent entre garçons et filles. Golzeau le caporal en tient décidément pour Tonton et s’empresse auprès d’elle. Chacun vient à donner son avis sur le mariage. Odile se déclare pour, et la Bada contre. Plus le repas s’avance, plus il apparaît, aux propos, aux gestes de Tonton et de Golzeau, que tous les deux inclinent vers l’avis d’Odile et la compagnie tout entière, avant de quitter la table et de regagner Liège, consacre, par un ironique épithalame, leur mutuelle inclination.

« A l’égard de la musique, » écrit un contemporain, « nous ne saurions trop louer l’art du compositeur, dont le génie fait honneur à sa pairie. Il a inventé des chants nouveaux et, qui plus est, de beaux chants, qu’il a adaptés à un langage qui n’en paraissait pas du tout susceptible. On y trouve les airs les plus gracieux qu’on ait jamais entendus et des traits d’harmonie qui décèlent le vrai génie. Ce n’est pas ce goût bizarre et capricieux qui ne sait varier la composition qu’à force de bruit et de dissonances. Ce sont des symphonies gracieuses, des accompagnements bien travaillés et relatifs au sujet, un chant naturel qui s’unit avec les mots sans perdre de sa force ni de ses grâces, et dont la vérité a entraîné tous les suffrages au Pergolèse liégeois. »

Un « Pergolèse, » même « liégeois, » c’était beaucoup dire, et Grétry, cet autre liégeois, disait encore trop, en disant plus tard de Hamal : « Je tiendrais à honneur de l’égaler. » Mais il y a bien de l’esprit, de la verve et par moments de la sensibilité, dans ce Voyage de Chaudfontaine. La musique en ce temps-là, toute musique, française, italienne ou wallonne, aimait à rire. Le plaisir, la joie qu’elle