Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donner leur avis, de défendre leurs intérêts et de s’offrir, à l’occasion, comme arbitres entre les autres intérêts. Cette politique réaliste se concilie parfaitement avec l’idéalisme religieux du génie américain et elle n’a rien que de très honorable et de très sensé. La France, amie des États-Unis, n’a point à la redouter, si elle ne s’imagine pas que les États-Unis la mettront à son service, et non d’abord à leur propre service.

Jusqu’ici, il n’y a guère qu’à la Société des Nations que l’Amérique n’ait pas pris officieusement sa place ; et cette absence est assurément fort regrettable, mais elle s’explique, comme toutes les autres décisions américaines, par un sentiment très vif de la grandeur et de la souveraineté nationales. Avez-vous remarqué que le drapeau étoile est le seul au monde qui ne s’incline pas devant un chef d’État, Roi ou Président de République, c’est-à-dire devant le représentant suprême d’un peuple étranger ? Petit détail, mais combien significatif ! C’est l’article 10 du Covenant qui a groupé contre l’œuvre de M. Wilson la plus grande quantité d’opposants. Les États-Unis n’entendaient pas être liés, d’avance, par un texte qui pouvait les contraindre à intervenir, un beau jour, en faveur d’un des membres de la Société, sans qu’ils eussent eux-mêmes à cette intervention un intérêt direct. N’allez pas croire pourtant qu’en dédaignant de siéger dans l’assemblée de Genève, l’Amérique regarde avec une curiosité entièrement détachée tout ce qui s’y fait ou s’y prépare. Malgré la retraite de l’Argentine, malgré les hésitations de quelques républiques sud-américaines, la Société des Nations fait meilleure figure que le Conseil suprême ; six nouveaux États viennent d’être admis au nombre des Amphictyons : l’Albanie ressuscitée, l’Autriche, la Bulgarie, la Finlande, le Libéria, le Luxembourg. Les États-Unis n’ignorent pas que cet organisme naissant, si dépourvu qu’il soit encore de moyens d’action vraiment efficaces, peut devenir, tôt ou tard, une force internationale et qu’en tout cas, il est dès aujourd’hui assez vivant pour commencer à familiariser les peuples qui le composent avec l’idée de solidarité humaine. Aussi bien, l’Amérique a-t-elle à Genève ses observateurs et ses informateurs, et ses journalistes y sont plus nombreux et aussi attentifs que ceux de toutes les autres nations. Quant aux problèmes que la Société a mis à l’étude, l’Amérique est si loin d’en méconnaître l’importance, qu’elle tâche d’attraire à Washington la Conférence qui aura à discuter le plus grave d’entre eux, celui du désarmement.

Répétons, d’ailleurs, à l’endroit de la Société des Nations,