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tout était honneur et joie. Banquet à La Haye, banquet à Leyde. Messieurs les bourgmestres et curateurs font un peu la grimace devant la note. Mais ils payent. Et ils font vraiment bien les choses : ils les font d’une manière qui fait honneur à ces marchands, par l’estime qu’elle marque de la science.

Non seulement, la moyenne des traitements étant de six cents florins, Scaliger et Saumaise en reçoivent deux mille, sans parler de divers autres avantages appréciables ; mais on ne leur impose aucune obligation. Ils ne feront pas de cours. On ne leur demande que d’être là, de se livrer à leurs travaux, de décorer la ville et l’Université par leur présence et leurs ouvrages. Quel exemple pour nos républiques athéniennes !

Effort plus méritoire ! ces calvinistes ont recherché Saumaise autant que Scaliger. Et Saumaise est catholique.

Avec les maîtres, toute une jeunesse afflue à Leyde, des protestants surtout, mais aussi des catholiques. Il en vient de l’Ouest surtout, mais aussi de toutes nos provinces. Les registres, incomplets, donnent pourtant l’idée du mouvement des étudiants : la courbe s’élève ou s’abaisse suivant les temps. En 1592, apparaissent les premières hirondelles : quatre étudiants français s’inscrivent. En 1593, ils sont 39 : Scaliger arrive. En 1621, on monte à 49 ; Rivet vient d’inaugurer son enseignement. On redescend à 16 ; mais en 1632, Saumaise ayant débarqué, on remonte à 23 ou 27.

Parmi les noms de ces étudiants, Rochelais, Saintongeois, Poitevins, Normands, Parisiens, etc. que de noms inscrits déjà dans notre histoire, ou qui s’y inscriront aux XVIIe, XVIIIe, XIXe siècles, et même au XXe !

Le futur évêque La Roche-Posay, deux Montgomery, deux Coligny, un La Trémoïlle, un Polignac : voilà la France féodale. Un de Gourgues, de Bordeaux, un Duplessis-Mornay nous ramènent vers Montaigne et Henri IV. Et voici des lumières de notre XVIIe siècle : lumières de l’hérésie, Amyraut, Daillé, Pierre Dumoulin ; lumières de l’érudition et des belles-lettres : Samuel Bochart, Priolo, Perrot d’Ablancourt, Sorbière, Moysant de Brieux. N’oublions pas Balzac et Théophile, ni surtout Descartes. Une partie de la France pensante doit quelque chose à Leyde.

Notons enfin un Jacques Clemenceau, Poitevin, et plaçons-le à côté de la première femme de Lambert Daneau, Claude Péguy, Orléanaise. Clemenceau ! Péguy ! On soupçonne, en