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avancée, tout le monde se retira, à l’exception des serviteurs qui devaient rester pour la garde. Le calme le plus parfait succéda au mouvement. On n’entendait d’autre bruit que celui du cricri et le bruissement des feuilles qu’agitait un vent léger. Les factionnaires n’entouraient plus de leurs lignes de baïonnettes l’habitation de l’Empereur ; il n’y avait plus d’autres surveillants à Longwood que l’officier d’ordonnance et le docteur Arnott. Celui-ci, tant que les cercueils n’avaient pas été fermés et soudés, n’avait pas quitté la place et avait exercé la plus active surveillance pour que rien ne fût distrait du corps de l’Empereur. Les serviteurs gardiens passèrent la nuit, moitié en se promenant dans la petite allée qui bordait les fenêtres de la chambre et du cabinet, et moitié assis dans l’intérieur, se livrant à toutes les réflexions et pensant au passé, au présent et à l’avenir. L’Empereur était sous leurs yeux et il fut constamment l’objet de leur entretien… Le jour parut. Au silence de la nuit succéda une nouvelle animation. Hélas ! dans la journée, l’Empereur devait quitter Longwood et la terre était ouverte pour recevoir sa dépouille.


XX. — LES FUNÉRAILLES

Dans la matinée, les Français se réunirent. Quelques personnes anglaises catholiques qui avaient été prévenues vinrent pour assister au service divin. L’abbé Vignaly dit la messe et ensuite l’office des morts fut récité. Ceci fini, on apporta le quatrième cercueil en acajou et on mit dedans celui de plomb.

Quand il fut question de se préparer pour le convoi, il y eut une discussion assez vive entre M. de Montholon et M. Vignaly. Celui-ci ne voulait mettre que l’étole, comme cela se fait quand un prêtre accompagne un mort ; celui-là prétendit et voulut que l’abbé se revêtit de la chasuble. Malgré l’usage établi, Vignaly fut obligé de se soumettre à l’exigence.

Vers onze heures et demie, le gouverneur et l’amiral, suivis de leurs états-majors, le général Coffin, le marquis de Montchenu et son aide de camp et beaucoup de personnes notables de l’île, arrivèrent à Longwood, et tous, militaires et civils, en deuil, se rangèrent sur la pelouse qui était en avant de la véranda. Une espèce de char, orné de crêpes et de draperies, attelé de quatre