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spectateurs de la scène triste et imposante où les restes d’un grand homme allaient disparaître de la surface de la terre. Les habitants de l’Ile, de toute condition, de tout âge, occupent le fond de la vallée et des groupes d’hommes et de femmes, plus ou moins nombreux, sont échelonnés sur les pentes rapides de la montagne. La vallée, en cet endroit, a l’aspect d’un vaste entonnoir.

La fosse, au bord de laquelle les soldats de marine viennent de déposer le cercueil, a été creusée au milieu d’un bouquet de quatre ou cinq saules ; elle a une dizaine de pieds de profondeur ; les quatre côtés du parallélogramme sont revêtus de maçonnerie du haut en bas ; une auge en pierre de taille, construite dans le fond, va avoir pour couvercle une large et longue dalle (cette pierre est une de celles qui devaient être employées à la maison neuve). Une chèvre est dressée et les cordages sont préparés. Le pourtour du sol est tapissé d’une étoffe notre qui encadre l’ouverture de la tombe.

Quand le Grand-Maréchal eut ôté l’épée et le fourreau, et M. de Montholon le manteau et le drap, le cercueil fut placé sur deux madriers. Alors le prêtre s’avance sur le bord de la tombe et prononce à haute voix les prières accoutumées. À ce moment, les serviteurs occupent le côté Nord faisant face à l’entrée ; le Grand-Maréchal, M. de Montholon et le prêtre, les deux petits côtés, et les Anglais le quatrième ; le gouverneur, l’amiral Lambert et M. de Montchenu au milieu. La première prière terminée, on descendit le cercueil à l’aide de la chèvre ; le bruit qu’il fait entendre en touchant le fond de la tombe retentit dans le cœur de chacun, des soupirs s’exhalent de la poitrine des assistants et des larmes arrosent cette terre où va désormais reposer le plus grand héros des temps modernes. Au même instant, les détonations des canons viennent, à trois reprises différentes, frapper nos oreilles et ces détonations sont répétées par les échos des vallées voisines. Le silence succède, et le prêtre, en bénissant la tombe, récite les dernières prières. La cérémonie religieuse terminée, le gouverneur demande aux généraux Bertrand et Montholon s’ils ont un discours à prononcer. Sur la réponse négative de l’un et de l’autre, à l’ordre de Sir Hudson Lowe, la chèvre enlève la grande dalle au centre de laquelle est placé un fort anneau mobile ; la pierre est suspendue ; elle descend peu à peu et bientôt elle ferme le fond du