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reprend son sérieux. Le fait est qu’il n’y a plus de quoi rire :

— Aujourd’hui, le nombre des étudiants est toujours de 11 000, mais, depuis le traité de Saint-Germain, le mot étranger a pris, pour nous, un autre sens. Sont devenus « étrangers » les Tchèques, les Hongrois, les Transylvains, les Slovaques, les Croates… Il faut donc dire, à présent, que l’Université de Vienne compte plus de 4 000 étrangers. Parmi ceux-ci, quelques-uns sont Allemands, Russes, Polonais : fort nombreux, ces derniers, près de 2 500.

« 35 pour 100 des étudiants étudient la médecine ; 34 pour 100 la philosophie ; 30 pour 100 la jurisprudence. Beaucoup y cherchent un diplôme qui leur conférera la possibilité de devenir, non seulement magistrats, avocats ou autres gens de loi, mais aussi, mais surtout : fonctionnaires de l’État ! La théologie recrute peu d’adeptes : 1 pour 100 seulement du nombre des étudiants.

Tout à l’heure, en traversant les salles de la bibliothèque, j’ai été frappée d’y voir beaucoup plus de jeunes filles que de jeunes gens.

— C’est que les étudiantes suivent plus régulièrement les cours : cela leur est aisé, leur temps est libre. La plupart vivent dans leur famille et sont déchargées de tout souci matériel. Elles se dirigent surtout vers la philosophie et la médecine ; quelques-unes vers la jurisprudence.

« La plupart de nos étudiants sont pauvres. Ils n’ont pas de quoi acheter les livres d’études nécessaires. Presque tous appartiennent au Mittelstand et le Mittelstand est ruiné. Pour payer leurs inscriptions, subvenir à leur entretien, nombre d’entre eux exercent, non une profession, mais un métier manuel. Dédaignant les traductions, les copies de manuscrits, les leçons en ville qui sont peu payées, ils chargent du charbon, ils scient du bois, ils se sont faits commissionnaires : bons à tout, à porter une malle aussi bien qu’une lettre pressée. Ainsi arrivent-ils à gagner 2 ou 300 couronnes par jour.

Dans la mesure du possible, l’Etat prend une part de leurs dépenses. Pour eux, on a résolu le problème du logement. Avant la guerre, Vienne comptait deux asiles qui recevaient environ 200 pensionnaires. Aujourd’hui, la ville en a huit qui n’abritent pas moins de 1 000 jeunes gens.

Des œuvres, dont l’une est française et dirigée par la